Le Pont de la Rivière Kwaï

Léon Malaquais

Pathé EA 187, 45T, 1958

Enregistré, comme Faites Danser les Rosières en mai 1958 sur deux jours consécutifs. Comme nous avons pu le voir au chapitre précédent, il est sorti fin 1958, à peu près en même temps que le 33T.

Le choix du titre et du morceau Le Pont de la Rivière Kwaï (ou Marche du Colonel Bogey) mérite que l’on s’y arrête un peu. La même année, Honoré Champion l’avait aussi enregistré dans Bougrement Vôtre et ce morceau deviendra à part entière l’un de ces nombreux saucissons des fanfares des années 1960 à 1980. Octave Callot le jouait régulièrement et s’il n’a pas été enregistré dans ses disques officiels de sa grande époque, il apparait dans le formidable Fanfare des Beaux-Arts édité en 30 cm en 1973 par la Grande Masse et enregistré lors de l’enterrement de l’Atelier Lamache, rue Visconti. Callot l’enregistrera aussi en 1983 dans un recueil intitulé Tons au naturel de deux cassettes audio à compte d’auteur, vendues directement par la fanfare.

Le film, sorti en décembre 1957, réalisé par David Lean, avec Alec Guinness, William Holden et Jack Hawkins eut un énorme succès, nous ne vous en raconterons donc pas l’histoire. Il rendit célèbre La Marche du Colonel Bogey, air qui avait pourtant déjà été utilisé par Hitchcock dans Lady Vanishes en 1938…

Pour l’entrée des prisonniers dans le camp, les producteurs avaient réfléchi à la manière dont ceux-ci pourront faire la nique aux Japonais et de façon subtile. David Lean propose ce thème, chanson anglaise écrite en 1914 par Kenneth Alford. Afin d’éviter la censure qui ne manquerait pas, compte tenu des paroles particulièrement vulgaires qui agrémentent la chanson originale1, Lean propose que les soldats la sifflent. Les producteurs doutaient fortement de l’impact de cette chanson sur le public mais Lean était sûr de lui : « Laissez-moi faire. Ça marchera si c’est bien fait ». Malcolm Arnold, en charge de la musique du film, composera une contre-marche à l’originale afin qu’elle s’accorde avec les sifflements. Cette composition en harmonie avec les sifflements deviendra La Marche de la rivière Kwaï et par le fait même le leitmotiv de la bande originale du film avec un arrangement de type fanfare de cirque (avec introduction et crescendo en fanfare). Malcolm Arnold recevra l’Oscar 1958 de la meilleure musique de Film, Lean ne s’était pas trompé. C’était l’évènement musical de l’année 1958 !

Le succès du film et de la chanson permet, pendant plusieurs années, à la veuve du colonel Alford de toucher d’énormes royalties grâce aux droits d’auteur pour La Marche du colonel Bogey. Dans quelle mesure Léon Malaquais, Honoré Champion puis Octave Callot ont-ils contribué à la fortune de Mrs Alford… ?

La Musique du film, sortie chez Philips se vendit comme des petits pains :

Pochettes des éditions de la musique du film

Dès le début de 1958, chaque maison de disque voulut sortir sa version orchestrale :

Decca
Match
Match
La voix de son maître
Barclay
Philips
Véga
MJ Prod.
Vogue
Festival

Puis, arrivèrent, là aussi dès le début de 1958 nos immanquables versions franchouillardes accompagnées d’inimitables paroles françaises écrites pour Annie Cordy par Robert Chabrier sous le titre “Hello, le soleil brille” :

Annie Cordy, affiche de « Hello... le soleil brille"
Columbia
La voix de son maître
Pathé

Le disque

Il ne manquait plus que La Fanfare des Beaux-Arts pour s’engouffrer dans la brèche, ce qu’elle fit en studio dès le mois de mai 1958 avec Bougrement Vôtre et Le Pont de La Rivière Kwaï, objet de la présente rubrique.

La photo de la pochette a été prise sur une passerelle sur le chantier du boulevard périphérique nord alors en pleine construction… Il est certain que ce décor fait un peu mois rêver que la rivière Kwaï en Birmanie mais est bien dans l’esprit des Malaquais.

Face (recto) de la pochette du 45T

Sur la photo de la pochette, de gauche à droite (tous ne sont pas identifiés) :

  • Day (assis – contrebasse),
  • Basso, non reconnu formellement (debout – basse – chemise bleue),
  • Sicardon (assis – basse – chemise jaune),
  • Tribel (on ne voit que le pavillon de son souba et son melon)
  • non reconnu (debout – basse – chemise rouge),
  • Louyot (debout – trompette),
  • Marty (debout – caisse claire – chemise bleue)
  • Villeminot (debout – trompette – chemise jaune),
  • Soulez (assis – petit cor – chemise bleue)
  • Diaz (debout – clarinette ou tuyau – chemise bleue)
  • Leleu (debout – trombone – chemise rouge).
Dos (verso) de la pochette du 45T

On peut lire sur le verso de la pochette un bel hommage à la fanfare par Georges Loiseau dit Alexandre Mâchavoine (gros caissiste de la fanfare Malaquais) :

Zoom sur le texte d’Alexandre Mâchavoine

FACE A

  1. Le pont de la rivière Kwaï (Colonel Bogey)
  2. Musique en tête

FACE B

  1. Rico Vacilon
  2. Beer Barrel polka

Ont participé à ce disque

  • Trompettes : Gilles Thin (dit Gaston Trifloquet), Bernard Louyot (dit Gaëtan Lafleur), Clément Douady, Philippe Mornet. 
  • Cornets : Alain Villeminot (dit Adrien Laridelle), Pierre Soulez-Larivière (dit Blaise Mac Hulot).
  • Clarinettes : Paul Diaz (dit Ali ben Diaz).
  • Sax Alto : Perault.
  • Trombones : Jean-François Leleu (dit Yapakloss Kikouliss), Raymond Caubel (dit Yapakliss Kikouloss).
  • Basses : Michel Vincent (dit Léon Malaquais), Gérard Basso (dit Cuicui), Philippe Sicardon (dit Chichoune), Michel Macary, Merwyn Moura.
  • Soubassophone : Jean Tribel (dit Honoré Boudu).
  • Contrebasse : Michel Day (dit Onésime Huchepot).
  • Grosse Caisse : Georges Loiseau (dit Alexandre Mâchavoine).
  • Caisse-claire : Claude Marty.

On en parle

En 1959, dans le Bulletin de la Grande Masse, Jacques Deneux et Jacques Golvin (Amédé) publient leur critique habituelle :

« (…) Léon Malaquais :
Après « Bal aux Beaux-Arts », Léon vient d’enregistrer un Super 45 tours Pathé. Si « Beer Barrel Polka » (pourquoi des trompes d’autos ?) est médiocre et le «Pont de la rivière KwaÏ» sans intérêt, l’amusant « Rico Vacilon » plein de trouvailles et surtout le ronflant « Musique en tête » suffisent à faire acheter le disque : « Le pont de la rivière Kwaï » – disque Pathé EA 187. »

Sur certains points Lharidelle semble être du même avis2 :

« On notera cependant l’intéressant vocal dû au Gros Day (Honésime Huchepot) dans le Rico Vacilon qui en initiera d’autres… »

On a pu lire dans l’Amour du Bruit (bulletin n° 12, avril 2014) l’avis sévère que porte Louis-René Blaire sur Faites Danser les Rosières, voila le complément sur les morceaux de ce 45T :

« (…)« Rico Vacilon » est poussif …Et à propos de fautes de mesure, …sur le refrain de « Beer Barrel », la 3e mesure est vraiment sabotée et tourne à la catastrophe… il y sera également remis bon ordre par la suite ! Je sens que mes considérations sur les fautes de mesure vont encore énerver Lharidelle qui raconte notre polémique à ce sujet sur l’estrade du Bal le 14 Juillet 19583
Heureusement, certains morceaux comme « Musique en Tête » sauvent le disque et sortent de la grisaille générale… ».

Le disque sort donc en octobre 1958 sous le label Pathé EA 187. C’est un microsillon de 17cm, 45 tours et porte le titre de « Le Pont de la Rivière Kwaï ».

En 1962, sort une réédition de ce disque : édition publicitaire sous le nom “La Fanfare des Beaux-Arts”, offert par la Société des Lunetiers aux lauréats du concours Cerclogrammes4.

Il a fait l’objet de multiples rééditions, mélangé aux autres disques de Malaquais5.

Les droits de ce disque étant la propriété de la société EMI, ayant racheté les droits de Pathé-Marconi, nous ne pouvons vous diriger vers un lien pour l’écouter. Nous ne doutons pas que vous saurez à qui vous adresser pour en avoir connaissance.

On trouve ce 45T à l’achat ou à l’écoute, en mp3 ou en haute résolution, sur l’internet ici.

Notes et références

  1. En fait, il s'agit de paroles écrites lors de la seconde guerre mondiale, on ne les imagine pas chantées à l'époque dans un film américain. Par une fanfare Bôzart, en revanche, on a vu similaire et en français... :
    Hitler has only got one ball,
    Goering has two, but very small,
    Himmler is very sim'lar,
    And Goebbels has no balls at all.
  2. Dans Histoire Edifiante et Véridique de la Grande Fanfare Malaquais, Adrien Lharidelle & Co, éditions Lulu.com, voir l'article de la rubrique le Disque du mois : Quelques ouvrages à lire avec gourmandise
  3. Voir l'article dans la rubrique du Disque du mois : Faites Danser les Rosières
  4. Je le cherche... Si vous l’avez, faites moi signe. Merci !
  5. Voir l'article de la rubrique le Disque du mois sur les nombreuses rééditions des disques des Léon Malaquais : Rééditions, participations et téléchargements de la fanfare Léon Malaquais