L’article présenté ici propose de vous intéresser à l’histoire de la Vasque de Saint-Denis1, élément d’ornementation remarquable d’art, qui décora la Cour d’Honneur de l’École des Beaux-Arts de 1835 à 1954.
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Cette grande vasque circulaire monolithe en pierre de liais de 3m80 de diamètre, constitue, en réalité, le dernier reste de la Fontaine du Cloître de l’abbatiale de Saint-Denis. Cette fontaine servait pour les ablutions des moines de l’abbaye et comme point de ravitaillement en eau. Dans son état d’origine celle-ci était constituée en partie inférieure d’un grand bassin rond avec, disposées à l’intérieur, seize colonnettes en marbre la soutenant avec au sommet quatre petites figures d’enfants et de dauphins en bronze. Une conduite d’eau menait l’eau de la nappe phréatique jusqu’au sommet de la fontaine, l’eau s’écoulant en suivant à travers des orifices avec pissettes2 situés au pourtour de la vasque pour finir dans le grand bassin.
La principale curiosité artistique de cette vasque gothique est que cette dernière est décorée, sur son pourtour également, de vingt-huit médaillons composés de diverses représentations en relief de têtes vues de face ou de profil. Une inscription placée au dessus des médaillons précise le nom de chacune des figures. Celle-ci, soit représentent des personnages de la mythologie grecque ou romaine (17 médaillons), soit évoquent le vice (5 médaillons), soit évoquent les éléments naturels (3 médaillons), soit représentent des animaux de fables (3 médaillons). Les inscriptions sont les suivantes :
- [Pour la mythologie] : Diana (Diane, déesse de la chasse), Neptunus (Neptune, dieu de la mer), Ceres (Cérès, déesse de l’agriculture, des moissons et de la fertilité), Bacus (Bacchus, dieu du vin), Pan (Pan, dieu de la nature et protecteur des bergers et des troupeaux), Venus (Venus, déesse de l’amour), Jupiter (Jupiter, dieu de la terre et du ciel, dieu des dieux), Juno (Junon, à la fois sœur et épouse de Jupiter, reine des dieux et protectrice du mariage et de la fécondité), Hercules (Hercule, seul héros humain à se voir accorder l’immortalité parmi les dieux), Leo (Leo, lion de Némée, tué par Hercule lors du premier de ses douze travaux), Gerion (Géryion, monstre géant, tué par Hercule lors du dixième de ses travaux), Thetis (Thétis, nymphe marine, mère d’Achille), Paris (Pâris, prince troyen), Hélène (Hélène, fille de Zeus), Flora (Flore, déesse des fleurs et du printemps), Silvanus (Sylvanus, dieu des forêts), Faunus (Faunus, dieu des troupeaux et des bergers).
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- [Pour le vice] : Maurus (Maure, référence au vice de la perfidie ?), Avaricia (l’Avarice), Ebrietas (l’Ivrognerie), Dives (le Riche, référence au vice de la prodigalité ?), Pauper (le Pauvre, référence au vice de la prodigalité ?).
- [Pour les éléments naturels] : Aqua (L’Eau), Ignis (Le Feu), Aer (L’Air).
- [Pour les animaux] : Simia (Le Singe), Aries (Le Bélier), Lupus (Le Loup).
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Le programme iconographique des médaillons, véritable allégorie de la vie humaine, “juxtapose plusieurs sources littéraires et philosophiques pour offrir une réflexion morale aux moines.” 3
Si l’identité du sculpteur de la Fontaine demeure à ce jour inconnue, les spécialistes et chercheurs, attribuent de façon formelle la commande de celle-ci, soit à Hughes V de Foucault, abbé de Saint-Denis de 1186 à 1197, soit à son successeur Hughes VI du Milan, mort en 1204.
Étonnamment, il n’apparaît pas surprenant qu’à la fin du douzième siècle on puisse rencontrer des représentations mythologiques dans le cloître d’une abbaye.
“A toute époque, au XVIème siècle même, ces représentations auraient choqué les fidèles. Mais la sculpture date du XIIème siècle, c’est à dire du temps où les clercs faisaient leurs délices des poésies d’Ovide, d’Horace et de Virgile, où ils recherchaient les statues et les pierres gravées antique dont ils savaient apprécier la beauté.”4
La Fontaine, à Saint-Denis, était installée près du réfectoire, dans l’angle sud-ouest du jardin du cloître, puis elle fut transportée, entre 1700 et 1742, lors de la démolition du cloître médiéval, au pied du grand escalier du dortoir du nouveau cloître.
Par le décret du 02/11/1789, l’Assemblée constituante mis les biens de l’Église, dont les biens des congrégations religieuse, à la disposition de l’Etat. Puis, par le décret du 13/02/1790, celle-ci interdit les vœux monastiques et supprima les ordres religieux. Si des monuments et des œuvres d’art du patrimoine National firent l’objet de destructions, la vasque de Saint-Denis fut sauvegardée et, lors de la dispersion des œuvres d’art de Saint-Denis, elle fut attribuée au Museum des Arts (Palais du Louvre) le 28/08/1794 et placée peu après dans le jardin de l’Infante5. Elle fut déplacée à nouveau en 1798 aux Invalides pour y demeurer jusqu’en 1809 où elle fut transportée dans l’ancien couvent des Petits-Augustins devenu le musée des Monuments français (1795 – 1815), musée créé et dirigé par Alexandre LENOIR (1761 – 1839). La vasque subit un sérieux endommagement lors de ce transfert. À la suppression de son musée prononcée sous la Restauration, les locaux sont affectés dès 1816 à l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts6. Un grand nombre des œuvres entreposées par Alexandre LENOIR sont à cette date restituées à leurs propriétaires d’origine ou aux ayants droit. Cela ne sera pas le cas de la vasque de Saint-Denis qui resta dans la nouvelle école, placée contre un mur dans une salle de l’ancien musée.
En 1830, Félix DUBAN (1798 – 1870) est nommé Architecte de l’École des Beaux-Arts7, il y réalisa de 1830 à 1840 la construction du bâtiment du Palais des Études. Dans un style éclectique particulièrement ingénieux, il y aménagea la Cour d’Honneur : D’un côté l’arc de Gaillon, portique du château du même nom conservé dans le musée de LENOIR, de l’autre la façade du Palais des Études avec la série de statues de marbre exécutées d’après l’antique par les pensionnaires de la villa Médicis. Avec des fragments du château de Gaillon, deux arcs ont été composés et déterminent les deux autres extrémités nord et sud. Au milieu de la cour DUBAN y fit placé en 1835 la vasque de Saint-Denis qui est le centre d’une décoration écrite sur le sol par les habiles combinaisons des dalles de marbre et du pavé. La vasque, sans le grand bassin inférieur et sans le sommet d’origine, est soutenue par un grand pied en fonte spécialement fabriqué.
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Un article du journal “Le Temps” du 30/10/1835 p.3, relate l’installation de la vasque dans la Cour d’Honneur de l’École des Beaux-Arts :
La table que M. Duban fait placer dans la cour de l’école des Beaux-Arts, provient de l’abbaye de Saint-Denis ; elle date du 12e siècle. Autour du rebord qui lui fait former le bassin, sont sculptées 20 têtes au quart des proportions ordinaires ; au bas de chacune, on lit un des noms qui suivent, gravés en lettres gothiques :
Thétis, Paris, Helena, Dives, Pauper, Silvanus, Faunus, Maurus, Avaricia, Ebrietas, Singia, Neptunus, Cérès, Bacchus, Pan, Vénus, Jupiter, Juno, Hercules, Leo. Sept à huit têtes manquantes dans une brèche vont être remplacées par d’autres semblables, que M. Duban fait sculpter sur les pierres qu’il incruste dans cette partie endommagée de la table.
En 1954, dégradée par la pluie et le gel, la vasque fut déménagée et abritée dans le dépôt lapidaire de la basilique de Saint-Denis, dans l’ancienne orangerie.
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La vasque dans tous ses états.
Il vous est proposé ci-dessous de vous présenter quelques représentations de la vasque à travers le temps.
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Concernant le Bal des Quat’ Z’Arts et l’Association 4’Z’Arts suivre le lien http://4zarts.org/
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![Photographie publiée dans le journal "L'Intransigeant" du 15/03/1936.](https://www.grandemasse.org/wp-content/uploads/2024/06/19-bis-1936-LIntransigeant-15.03.jpg)
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Concernant le Gala de la Grande Masse des Beaux-Arts, suivre le lien : https://www.grandemasse.org/breves_historiques/le-bal-de-lecole-nationale-superieure-des-beaux-arts-ou-gala-de-la-grande-masse-des-beaux-arts/
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- ADHÉMAR Jean (18/03/1908 – 30/06/1987), “La Fontaine de Saint-Denis” dans la Revue Archéologique, janvier 1936, p. 224-232.
- Dossier “L’École des Beaux-Arts de Paris” dans l’architecture d’aujourd’hui, avril 1997 n°310, p. 45-95.
- JACQUES Annie, “Les Beaux-Arts, de l’Académie aux Quat’ z’arts anthologie historique et littéraire”, Paris, Édition de l’École nationale supérieure des beaux-arts, 2001, 595 p.
- TERRIER ALIFERIS Laurence, “La fontaine du cloître de l’abbatiale de Saint-Denis. Programme iconographique et contexte de création” dans Revue de l’art, 2016, vol. 1, n°191, p. 27-39.
Notes et références
- Vasque de Saint-Denis que l'on trouve également nommée, selon différents écrits, Fontaine de Saint-Denis ou Cuve de Saint-Denis.
- En architecture, le terme pissette ou le terme barbacane désignent un petit tube d'écoulement des eaux.
- Laurence TERRIER ALIFERIS, voir bibliographie en référence à la fin de cette brève historique. La publication de Laurence TERRIER ALIFERIS donne de façon détaillée la signification et l'interprétation que l'on peut retirer de chacune des représentations des médaillons.
- Jean ADHÉMAR, voir bibliographie en référence à la fin de cette brève historique.
- Jardin situé entre le Palais du Louvre et le quai de la Seine
- Concernant l'origine et la genèse de l'École des Beaux-Arts de Paris, voir la brève historique publiée en juin 2015 en suivant le lien.
- Concernant Félix DUBAN, voir la brève historique publiée en mai 2024 en suivant le lien