Dans notre quête des traces phonographiques de la Fanfare des Beaux-Arts, nous avons déjà rencontré un certain nombre de disques reprenant différentes fanfares enregistrées au cours d’un évènement. En voilà donc un de plus, enregistré cette fois au cours d’un concours de fanfare.
Evidemment, lorsque nous pensons concours de fanfare, nous pensons aux joutes des fanfares de l’École, de ces mises en scène truculentes, de ces morceaux à l’harmonie douteuse, de ces déguisements sortant des imaginations les plus débridées…
Bien sûr, nous connaissons déjà la Fanfare d’Archi de Nantes, née 20 ans auparavant et ayant déjà sévi sur un microsillon1. Elle se rendra aussi célèbre 5 ans plus tard en étant la première fanfare de province à gagner le concours des fanfares des Beaux-Arts après une prestation mémorable dépassant de loin toutes les velléités musicales de ses concurrentes en ne jouant surtout pas les morceaux imposés. En revanche, leur prestation fit grand bruit bien avant leur arrivée dans la cour des Beaux-Arts et profita aux parisiens ébahis depuis la Gare Montparnasse jusqu’à la rue Bonaparte…
De cette fanfare des Beaux-Arts de Nantes de la moitié des années 70, Jacques Thibault, trompettiste, livre un témoignage2 ressemblant bien à ce que sont les fanfares d’École :
«Quelques années avant de franchir pour la première fois l’École d’Architecture de Nantes, un parent architecte m’avait raconté plus d’une fois, et ce avec beaucoup de nostalgie, que “ceux des BEAUX-ARTS”, n’étaient pas des tristes, et que si par chance, un jour, je suivais cette voie, j’allais vivre des moments surprenants, inoubliables et grandioses dès lors que j’intègrerais la fanfare d’un Atelier…
La fanfare d’Archi de Nantes recrutait…La plaquette de l’École avait bien dit la vérité. Le soir venu je me rends donc, guidé par une musique désuète. En tout cas, sans rapport avec la rigueur m’ayant été inculquée durant les douze années passées au Conservatoire d’Angers.
Je découvre là, en train de s’exécuter, une demi-douzaine d’étudiants diplômables, m’annonçant que, si la relève ne se faisait pas, la Fanfare d’Archi allait tout simplement disparaître. Les instruments sont tordus et piqués, les pistons et les coulisses souvent coincés par le vert de gris, conséquences d’un entretien quasi absent desdits instruments.
Certains d’entre eux présentent même des décorations peintes à la main, tels le soubassophone et la grosse caisse dont les peaux sont recouvertes d’une fresque représentant un joyeux fanfaron offrant les formes généreuses de son postérieur …
A mon tour je me présente, sortant une trompette rutilante d’un étui impeccable, et exécute quelques gammes.
A priori ma prestation semble avoir convaincu l’auditoire et on me précise qu’une répétition aura lieu chaque semaine.
Heureux de ce premier contact et afin de progresser le plus vite possible, je demande donc s’il y a moyen de récupérer les partitions du répertoire.
La réponse est directe : « A la Fanfare d’Archi, il n’y en a pas ! ».
Avec calme et sérénité, quelqu’un me présente un carton de bière au dos duquel est dessiné avec précision une sorte de hiéroglyphe basé sur de curieux signes :
TTT – TTT – TTT – TTT – TTT – TTT – TTT – TTT – TTT – TTT – TTT – TTT – TTT – TTT – TT
Nota : Tout bon fanfaron aura bien entendu reconnu les premières mesures du célèbre morceau: « Les Flots Bleus».
On m’explique donc, à juste titre d’ailleurs, que chaque combinaison correspond à une note, et je reste donc ébahi par tant de vérité. Cependant quelque chose m’intrigue, car il manque deux éléments essentiels aux composantes de l’écriture musicale :
– le rythme
– la traduction exacte du signe.
En effet, en fonction de la pression de l’embouchure sur les lèvres et de l’air émis, tout joueur d’instrument à vent sait que la tessiture d’une note peut varier même si la position des doigts sur les pistons ou clés est inchangée…»
Le décalage entre le fanfaron et le musicien peut faire souffrir ce dernier. Espérons, pour lui, que le professeur de Jacques Thibault au Conservatoire d’Angers n’a pas réentendu son élève…
Nous ne savons rien de ce concours de La Rochelle et ne pouvons rien vous dire sur ce qui a bien pu se passer sur scène le 29 octobre 1977. Des fanfares présentes, seule la Fanfare des Beaux-Arts de Nantes qui ne s’appelait pas encore la Fanfarchi3, représentait les fanfares d’École. Sinon, deux fanfares de La Rochelle, L’Espérance de Mireuil et La Fanfare Rochelaise, la Fanfare de Vic-Fezensac, le Fanfare Picpus (de Bécon-les-Bruyères !) et Arbracam le Rouge de Tours et Paris. La fanfare des Beaux-Arts de Nantes, elle, est une authentique fanfare d’École.
Nous ne savons rien non plus de l’organisateur, le Comité International du Film de Mer, dont c’était visiblement le premier festival (et le dernier ?) et dont nous n’avons retrouvé aucune trace. Bien sûr, il existe un certain nombre de festivals sur ce sujet, au Havre, à Hendaye, mais n’avons pas trouvé de corrélation entre celui de La Rochelle et ces derniers. Qu’importe, le microsillon existe quant à lui…
La pochette, elle, pourrait bien être due à un élève de l’École. Signée Krubs, elle est une parodie du Radeau de la Méduse de Gericault, mettant en scène des fanfarons naufragés dérivant vers les tours de la Lanterne et Saint-Nicolas, marquant l’entrée du vieux port de La Rochelle.
Coté microsillon, la Fanfare des Beaux-Arts de Nantes joue deux morceaux devenus traditionnels dans la fanfare des Beaux-Arts, le devenu saucisson Amsel Polka et La Marche des Petits Eléphants (ou Tango des Eléphants), ce dernier rendu célèbre par la fanfare Zava quelques années auparavant.
On notera par ailleurs que la très grande majorité des morceaux joués par l’ensemble des fanfares ont un thème marin à l’exception de… la Fanfare des Beaux-Arts de Nantes !
Les morceaux ci-dessous sont joués par :
A- Arbracam Le Rouge
B- Fanfare Picpus
C- Fanfare de Vic-Fezensac
D- Fanfare Rochelaise
E- L’Espérance de Mireuil
F- Fanfare des Beaux-Arts de Nantes
G- Boeuf final
FACE A
- Le Bateau Lavoir (A)
- Yellow Submarine (B)
- Maman, les Petits Bateaux (B)
- Mediterrannée (B)
- Histoire Sans Paroles (C)
- Escale (C)
- Valse de la Mer (C)
- En Bateau (C)
- L’Angelus de la Mer (C)
- La Marche des Matelots (C)
- La Mer (C)
- La Foule (C)
FACE B
- Le Sous-Marin Vert (D)
- Les Gars de la Marine (E)
- Amsel Polka (F)
- Les Eléphants (F)
- Sur les Grands Flots Bleus (G)
- Dans La Vase (In The Mood) (G)
Après quelques recherches, Xavier Cantal m’a communiqué ce qui semble être le personnel de cette fanfare de Nantes :
Trompettes : Gallland, Ginisty, Lefur, Mander, Thibault,
Bugle : Lepage,
Flûte traversière : Tranvoiz,
Saxophones : Barney Yviquel, Le Loz Lauzevis,
Accordéon : La Rafale,
Trombone à coulisse : Dumontier,
Trombone à pistons : Sussin,
Basses : Fortin, Grolleau, Lemenach, Peleau, Rebillard,
Hélicon : Berto,
Soubassophone : Blanchard,
Grosse Caisse : Gourdon,
Tambour : Cantal,
Cymbales : Gilou,
Triangle : P’tit Jo,
et un certain Coco dont nous ne sommes pas sûrs de l’instrument rythmique…
Le disque sort donc en 1977, produit par le Comité International du Film de Mer sous la référence SSP 20001, c’est un microsillon de 30 cm, 33 tours et porte le titre de « Concours de Fanfares de La Rochelle».
Ce disque n’a jamais été réédité.
Nous vous laissons ci-après l’opportunité d’écouter les deux morceaux de la fanfare sur ce lien:
Notes et références
- Disque du mois : Carnage sur le Do - Fanfare de Nantes
- "1958-2008, 50 ans de fanfare d'archi à Nantes" - La Fanfarchi - Nantes 2008 - 200 exemplaires. Merci à René Naulleau, membre fondateur de la fanfare de m'avoir fourni cette ouvrage essentiel...
- La fanfare des Beaux-Arts de Nantes deviendra Fanfarchi au seuil de ces 50 ans en 2008.