Ragtime

Octave Callot et sa fanfare des Beaux-Arts et autres lieux

Production Jazztrade, 45T, 1983

Ce premier disque de Callot sorti après 1968 montre le virage pris par la fanfare. On n’y trouve plus les anciens membres de la fanfare originale, ni même les Malaquais venus les rejoindre en 1964. On peut facilement en imaginer la raison, les étudiants devenus architectes n’ont plus les mêmes préoccupations. Interrogé sur ce sujet, Lemetais, figure légendaire des Callot, m’avait répondu : “…tu comprends, j’étais parti faire l’architecte !”

Dans la rubrique précédente concernant Otello Fine Fanfare, nous avons expliqué comment une partie des membres de la fanfare des Arts Déco avaient rejoint Otello, d’autres avaient rejoint Callot, ils viennent donc “d’autres lieux” !

1983 : Fanfare Octave Callot "Ragtime" - pochette recto
Recto de la pochette

La pochette, recto comme verso, a été conçue par Vincent Gielly, banjoïste de la fanfare. On doit à sa plume la caricature du recto, montrant un Callot à l’abondante moustache et ses petites lunettes cerclées. Le dessin est simple mais efficace, on ne peut hésiter sur la personne.

1983 : Fanfare Octave Callot "Ragtime" - pochette verso

Les photos ont été prises par Agnès Chaumat, altiste de la fanfare et photographe de métier.

Au-delà de l’évolution des membres de la fanfare, ce disque est aussi un tournant sur le répertoire. On connaissait le Callot amateur de la musique populaire de la fin du XIXe et du début du XXe, producteur de valses, polkas, marches, javas, succès viennois ou allemands. On connaissait moins le Callot passionné de musique américaine du début du XXè siècle comme les ragtime ou boston. Et pourtant, Callot a déjà visité ce répertoire dans “Les Beaux-Arts de l’Hôtel de Ville” dans lequel il aborde des morceaux comme High Society, Ain’t She Sweet et Stars & Stripes.

Cette envie quelques peu jazziste doit aussi être renforcée par l’arrivée dans la fanfare d’Olivier Brard1, Monsieur Pohl, fanfariste issu de la fanfare Archibal Buci et musicien de jazz. Très vite, ce dernier prend les rênes de l’AFAJNO Association Française des Amateurs de Jazz Nouvelle Orléans) et créée le label Jazztrade dont le but est de produire des disques d’orchestre de jazz, essentiellement français, n’ayant pas accès aux grandes maisons de disques.

En 1964, l’AFAJNO organise le premier Jazz Band Ball dans l’esprit des soirées néo-orléanaises qui voyaient des orchestres se confronter tout au long de la nuit. Ce premier Jazz Band Ball vit les orchestres en vogue dans les années 60 dont bien sûr les Haricots Rouges, un orchestre que l’on qualifierait de Nouvelle-Orléans voire Dixieland et le High Society Jazz Band, un orchestre plus fidèle au jazz des années 20.

Ces Jazz Band Ball étaient organisés soit dans la salle des fêtes de la Mairie du 5ème arrondissement, soit à la Mutualité.

Ces soirées du Jazz Band Ball ont vu au cours des années qui ont suivis des joutes d’orchestre avec un public dynamique prenant partie bruyamment pour tel ou tel orchestre. Comme certains fanfaristes jouaient dans certains orchestres, on y vit régulièrement des fanfares venir faire la claque avec la délicatesse que l’on peut imaginer.

On y vit même quelques fanfares y jouer dont Aimé Visconti en 66 et Octave Callot en 78, 82 et 832 3.

Affiche du Jazz Band Ball 1983
Affiche du Jazz Band Ball 1983

En 1983, donc, Octave Callot et sa fanfare est programmé au Jazz Band Ball mais, pour l’occasion, jouant essentiellement des morceaux issus du répertoire américain, il s’associe à Martine Morel, pianiste de jazz, connue comme pianiste du High Society Jazz Band4 et rebaptise l’orchestre Octave Callot Ragtime + Martine Morel.

Pour Toutoune : ” La fanfare était dans sa période Scott Joplin, peut-être à cause du film “L’Arnaque”. En tout cas, cette musique et cet enregistrement sont un très bon souvenir.” Et concernant Martine Morel : ” Martine était pianiste et compositrice au High Society Jazz band. Spécialiste en matière de ragtime et de Scott Joplin, elle était aussi programmatrice à Fip. L’émouvant est qu’à l’époque, “Tante Martine” sortait d’une très grave maladie. Elle était assez fatiguée mais, néanmoins, elle a accepté notre invitation à enregistrer. Je ne sais pas comment Callot l’a convaincue, je ne pense pas qu’on lui ait payé de cacheton (j’étais trésorier)”.

En revanche, nous n’avons aucun renseignement sur Marcelloni, violoniste sans doute amené par Martine Morel et dont nous ne trouvons aucune trace nulle part.

Le disque a été enregistré en mai 1983, chez Vincent Gielly, rue Villafranca dans le 15ème arrondissement de Paris.

A l’écoute du disque, on sent que la fanfare s’est éloignée des standards des fanfares de l’École mais reste dans ceux d’Yves Poinsot et son amour pour les musiques de la fin du XIXème et du début XXème. Ces préférences vont effectivement de la polka, à la valse, au galop et toutes autres marches. Les valses américaines (boston) ou ragtime vont dans cet état d’esprit musical.

Les deux morceaux de James Scott et Scott Joplin, tous deux compositeurs de ragtime, sont joués ici sur un tempo lent, comme musique de salon… Ces morceaux resteront un certain temps au répertoire de Callot et on les retrouvera dans les enregistrements à venir.

1983 : Fanfare Octave Callot "Ragtime" - Face 1
Tenue de soirée pour la fanfare Callot

FACE A

Calliope Rag

FACE B

Binks Waltz

Les fanfaristes jouant sur cet enregistrement :

Trompette /Cornet : Olivier Brard (Mr Pohl), Michel Weber (Her Web), Alain Vaulay (Volo),
Alto : Agnès Chaumat,
Basses : Yves Poinsot (Octave Callot), G.Schopfer (L’Assureur),
Trombone : Bernard Chaumat (Chômette),
Clarinette : Alain Baujard (Bojar)
Piccolo : Hervé Huet (Uët)
Contrebasse : Patrice Charbonneau (Poulou)
Banjo : Vincent Gielly (Toutoune), 
Grosse Caisse : Anne Gielly (Nanou)
Caisse Claire : Jean-Claude Ducerf (Labiche)
Piano : Martine Morel, Guest star
Violon : Marcelloni, Guest star

1983 : Fanfare Octave Callot "Ragtime" - Face 1
1983 : Fanfare Octave Callot "Ragtime" - Face 2

Le disque sort donc en 1983 sous le label Jazztrade, référencé JT 80.03 SP, c’est un microsillon de 17cm, 45 tours et porte le titre de « Ragtime». 

Il n’a jamais réédité.

Vous pourrez écouter ce disque en suivant ce lien :

Notes et références

  1. Olivier Brard a commencé ses études d'architecture à UPA 2. Il rentre dans la fanfare Archibal Buci puis, comme un certain nombre de fanfaristes, entreprend de jouer en jazz. Très proche du Hot Club de France, il prend en main l'AFAJNO, crée Jazztrade et gère l'organisation du Jazz Band Ball. Dans les années 80, il crée le Royal Tempocators Orchestra, grande formation vieux style dans l'esprit des grands orchestres de jazz des années 20 et 30.
  2. Affiche du Jazz Band Ball 1966

    affiche du Jazz Band Ball 1966

    Affiche du Jazz Band Ball 1978

    affiche du Jazz Band Ball 1978

    Affiche du Jazz Band Ball 1982

    affiche du Jazz Band Ball 1982

  3. Vous pourrez retrouver la fanfare Octave Callot en ouverture du Jazz Band Ball 1982 sur le lien suivant (on y voit d'ailleurs Olivier Brard venant jouer à la trompette sur les derniers morceaux) : https://www.youtube.com/watch?v=F3GH-VqfErs
  4. le HIGH SOCIETY JAZZ BAND a été fondé en 1947 à Paris par le clarinettiste Pierre ATLAN et le tromboniste Mowgli JOSPIN (frère de Lionel Jospin). L'orchestre jouait un répertoire résolument vieux style et se produisait à Paris dans tous les clubs de jazz comme le Riverboat, le caveau de la Huchette, le Slow Club, le caveau de la Montagne ou encore le Petit Journal. Le piano a été tenu pendant très longtemps par Martine Morel. Un certain nombre de disques ont été enregistrés. L’orchestre a obtenu en 1977 le PRIX SIDNEY BECHET de l’Académie du Jazz.

    High Society Jazz au Riverboat High Society Jazz - Dixieland

    High Society Jazz High Society Jazz 'Way Down Yonder'