Louis-René BLAIRE relate«[…] Je m’employais avec énergie à cette époque à préparer avec DE CHAMPRISla succession de LECONTE dont nous savions que son départ à la retraite était proche, et que de toute façon, sa maladie ne le ménagerait plus très longtemps. Nous étions soutenus en sous-main par JOLY et VIGOR qui pensaient à juste titre que la candidature de MAROT, prestigieux Grand Prix de Rome 1954, serait le meilleur choix possible. Bien sûr il y avait Pierre MARTIN, le second de LECONTE. Longtemps écrasé hélas par la personnalité du patron, MARTIN trop effacé, n’avait pas une popularité suffisante auprès des élèves pour pouvoir s’imposer. Dommage car c’était un type très sympa et cultivé avec lequel je m’entendais bien.
Nous organisions dans ce but des réunions, des sondages, des discussions. Le point culminant de cette agitation fut l’organisation d’un repas rue Trudaine avec MAROT, JOLY, VIGOR, DUFOUR et beaucoup d’élèves de l’atelier, dans le restaurant de la fille de POUSSINEAU. Il fallait en effet présenter MAROT aux élèves. Un débat en fin de repas eut lieu et sembla satisfaire tout le monde. Satisfaction confirmée par un sondage que je pris le temps de faire auprès d’une très grande partie des élèves. Seule une infime minorité […] s’opposa au choix général. Le directeur, UNTERSTELLER, auquel nous rendîmes visite, fut informé de notre choix et MAROT de son côté prévint également LECONTE. Quand Pierre MARTIN apprit que LECONTE — qui lui avait « promis… » la place — avait choisi MAROT pour lui succéder, parmi deux ou trois autres dont faisaient partie ZEHRFUSS et peut-être DUBUISSON, il entra dans une violente colère contre “Dédé” (surnom dont Leconte était affublé depuis fort longtemps)et quitta aussitôt son poste de chef d’agence qu’il occupait au 22 rue Bonaparte chez le patron depuis des lustres, après lui avoir dit violemment tout ce qu’il avait sur le cœur. LECONTE a dû être surpris de cette réaction inattendue d’un second dont il avait jusque
là toujours apprécié la discrétion et la docilité.
Dédé vint un soir nous présenter MAROT à l’atelier. Quelques mots
lapidaires : « vous l’avez voulu, prenez-le… vous verrez, c’est un brave type ! » Le patron était méconnaissable, rongé par cette maladie qui le minait depuis un an, jaunâtre, la peau sur les os, lui autrefois plutôt rondouillard. On ne le verra plus qu’une fois, à son dernier dîner “d’atéyé” fin 1965. Et quel dîner ! Terminé par une incroyable colère (une de plus !) de LECONTE quittant le repas de façon intempestive en engueulant tout le monde, y compris les grands anciens, ses contemporains, et nous laissant ce dernier souvenir pénible. Nous ne devions plus le revoir. Il mourra quelques mois plus tard […] “