Le Pompier (3/3)

les paroles de la chanson

Aujourd'hui

Pour les 150 ans du Pompier, la Grande Masse vous propose trois articles retraçant l’histoire de l’hymne des architectes et des Beaux-Arts. Ce troisième article, en s’attardant sur les paroles de la chanson, clôture cette série du jubilé !

On dit quelque fois au village

Dans les deux articles qui précèdent, consacrés au Pompier, Isabelle Conte et Christophe Samoyault révèlent comment cette chanson, écrite par Aristide Bruant en 1871 à Courtenay, puis publiée pour la première fois en 1872, devient, à partir de 1885, l’hymne des Beaux-Arts et de toute une profession.

Cette chanson connut d’ailleurs un certains succès durant la IIIe République. Franchissant les frontières du quai Malaquais, elle se répandit dans les défilés, fêtes et autres monômes du Quartier Latin. Le refrain changeait alors rarement mais les couplets subissaient des adaptations plus ou moins hasardeuses pour correspondre aux événements.

Une affiche destinée aux ateliers de l’École annonçant le Bal des 4’Z’Arts de 1907 clame : « Nous ne saurions trop recommander aux anciens de faire répéter religieusement et énergiquement notre vieux Pompier pour accompagner le défilé à grand renfort de gueules. » Cette tradition s’étant ancrée très vite, quelles paroles apprenait-on à cette époque ?

Un casque de pompier de la IIIe République.

Depuis 1885, les strophes et l’ordre des couplets ont subi quelques ajustements. Apprise de mémoire, comme la plupart des « chansons d’atelier », certaines expressions, articles ou stances ont évolué avec le temps. On trouve également des variantes au sein des versions retranscrites et publiées dans les différents supports de la vie de l’École : gazettes d’ateliers, livrets ou bulletins. Mais dans son ensemble, cette chanson est restée scrupuleusement fidèle à la version initiale de 1872.

Seul changement notable : le premier couplet. Celui que tout le monde chante aujourd’hui est recueilli par Louis Damaré pour la partition de 1896. Depuis son apparition à l’École, « On dit quelque fois au village… » semble être le point de départ de l’hymne des Beaux-Arts. Or, dans la version proposée par Bruant en 1872, la chanson débutait par « On sait que chacun sur la terre… », tirade passée depuis en troisième position. De plus, on observe que ce couplet d’ouverture, devenu le plus fameux d’entre tous, est en fait composé de quatrains empruntés aux 2e et 4e couplets de Bruant. Seul le pronom « On », qui lance la chanson, est resté à sa place.

Nous vous proposons ci-dessous la transcription des paroles qui sont chantées aujourd’hui et qui correspondent en tous points à celles rapportées dans le bréviaire de l’École de 1950. Suivie à titre de comparaison par la version originale de Bruant publiée en 1872. Enfin, il nous a paru intéressant de présenter différents couplets créés pour certaines occasions. À ce propos, très cher lecteur, si tu as connaissance d’autres couplets ou de l’identité des auteurs de ceux cités plus bas, nous serons enchantés d’en apprendre davantage.

Trêve de bavardages, entrons maintenant dans le vif du sujet : « Ooooonnnnnnnnnnnnnnn… »

Le Pompier aujourd’hui

1er couplet :
On dit quelquefois au village
Qu’un casque, ça sert à rien du tout,
Ça sert à donner du courage
À ceux qui n’en n’ont pas du tout.
De loin ça prend des airs fantasques
Et chacun dit en les voyant,
Ah c’qu’ils sont beaux avec leurs casques,
Ça leur donne des p’tits airs épatants.

Refrain :
Un casque est une coiffure
Qui sied à leur figure,
Un casque de pompier
Ça fait presque guerrier.
Ça leur donne un air vainqueur
Qui sied pas mal à leur valeur.
Sous ce casque luisant,
Ils ont l’air épatant, vraiment !
Zim la boum la boum tralalère,
On peut l’blaguer tant qu’on voudra,
Zim la boum la boum tralala,
Un pompier, c’est bien au-d’sus d’ça.

2e couplet :
On nous raconte dans l’histoire
Que les Romains et les Gaulois,
Ces fils chéris de la victoire,
Portaient des casques autrefois.
Le casque c’est donc l’héritage
De tous ces guerriers valeureux,
Et, si nous l’avons en partage,
C’est qu’nous sommes des pompiers comm’eux.

3e couplet :
On sait que chacun sur la terre
A son faible ou sa passion.
Le pompier qu’est un militaire,
Est fier de sa position.
Le sapeur et sa barbe noire
Est orgueilleux de son bonnet.
Le Pompier met toute sa gloire
Dans son casque et dans son plumet.

4e couplet :
Les jours oùsqu’il y a la fête,
Il endosse ses plus beaux habits.
Il met son casque sur sa tête
Pour aller flâner dans l’pays.
Puis, à l’ombre de sa visière,
Quand il rencontre un jeune tendron,
Il lance une œillade incendiaire,
Le pompier est tellement polisson.

5e couplet :
Les jours oùsqu’on est de la r’vue,
Derrière le champ à Jean Maclou.
Le pompier s’met en grand’ tenue,
Nous sommes bien une quinzaine en tout.
S’il met un casque sur sa nuque,
C’est pas pour faire des embarras,
Mais pour garantir sa perruque,
Quand bien même il n’en aurait pas.

Lors du refrain, les deux strophes « On peut l’blaguer tant qu’on voudra, Zim la boum la boum tralala » sont bien souvent remplacées par un « Zim la boum la boum tralala, Zim la boum la boum tralalère » plus facile mais c’est fort dommage.

Enfin, il est de coutume de terminer le Pompier en fredonnant un Tralalala qui prend place après l’ultime refrain. Si l’on souhaite poursuivre avec un couplet, il vaut mieux éviter de partir sur ce final. On distingue très bien cette variation dans la version de 1931 interprétée par le choeur de l’Atelier André (Columbia, 78T), même si aujourd’hui on chante trois fois le « Tra la lala la la » et non deux fois comme dans cet exemple.

Toutefois, à partir des années 1950, dans beaucoup d’enregistrements on entend systématiquement ce fredonnement suivre chaque refrain. C’en devient presque une habitude.

Alors, avec le temps, la dernière sentence du refrain (« Un pompier, c’est bien au-d’sus d’ça. ») a été ajoutée en guise de chute et vient ainsi affirmer le terme de la chanson. Cette conclusion peut être transcrite de cette manière :

Final :
Tra la lala la la, Tra la lala la la,
Tra la lala la la, lalalala lalalala la la.
Lalalala ! La ! La !
Un pompier, c’est bien au-d’sus d’ça.

Partition du Pompier
transcrite par Octave Callot

Le Pompier de Bruant (1872)

Ci-dessous, la version originale publiée en 1872 et intitulée « Le Casque du pompier, cascade excentrique ». Les paroles sont d’Aristide Bruant (1851-1925) et la musique est signée Alexandre Durez et Auguste-Nicolas Séguin (†1885). Chantée par Mme Victorin au Grand Concert Parisien et par Jably au Casino Saint-Antoine, la partition est dédicacée par Bruant à son ami Alexandre Durez.

1er couplet (1872) :
On sait que chacun sur la terre
A son faible, ou sa passion,
Le soldat qu’est un militaire
Est fier de sa position,
Le sapeur et sa barbe noire
Est orgueilleux de son bonnet,
Le pompier met toute sa gloire
Dans son casque et dans son plumet.

Refrain (1872) :
Vrai c’est une coiffure
Qu’est fait pour not’ figure,
Le casque du pompier
En fait presqu’un guerrier
Ça lui donne un p’tit air vainqueur
Qui sied pas mal à sa valeur
Sous son casque r’luisant
Il a l’air triomphant !
Zim la boum la zim la i la,
On peut l’blaguer tant qu’on voudra,
Zim la boum la zim la i la
L’pompier il est ben au d’sus d’ça.
V’la !

2e couplet (1872) :
J’entends quelqu’ fois dir’ dans l’village
Que l’casque n’sert à rien du tout,
Mais le pompier qu’a du courage
Doit s’exposer un peu partout,
S’il met un casque sur sa nuque
C’est pas pour fair’ des embarras
Mais pour garantir sa perruque
Quand bien même il n’en aurait pas.

3e couplet (1872) :
Les jours oùsqu’il y a la fête
On endoss’ses plus beaux habits
On met son casque sur sa tête
Pour aller flâner dans l’pays
Puis à l’ombre de sa visière
Quand on rencontre un jeun’ tendron
On lance une œillade incendiaire
L’Pompier il est si polisson.

4e couplet (1872) : 
Les jours oùsqu’il y a la r’vue
Derrièr’ le champ à Jean Maclou
Chacun s’habille en grand’ tenue
Je somm’s ben un’ quinzaine en tout
De loin ça prend des airs fantasques
Chacun s’écrie en nous voyant
Qu’ils sont donc beaux avec leurs casques ;
Ça fait un effet saisissant.

5e couplet (1872) :
On nous raconte dans l’histoire
Que les Romains et les Gaulois
Qu’étaient enfants de la victoire
Avaient des casques autrefois ;
Le casque c’est donc l’héritage
De tous ces valeureux guerriers
Si nous l’avons eu en partage
C’est qu’on connaît ben les Pompiers.

Toutefois, deux quatrains des 2e et 4e couplets ont été modifiés par l’auteur pour la publication de 1872 ci-dessus. Voici ces deux couplets dans leur forme manuscrite en 1871 :

2e couplet (1871) :
J’entends quelqu’ fois dir’ dans l’village
Que l’casque n’sert à rien du tout,
Mais le pompier qu’a du courage
Doit s’exposer un peu partout,
L’casque garantit sa caboche
Le pompier le porte avec raison
Puisqu’on se sert bien d’une cloche
Pour mieux abriter un melon.

4e couplet (1871) : 
Les jours ousqu’il y a la r’vue
Derrièr’ le champ à Jean Maclou
Chacun s’habille en grand’ tenue
Je somm’s ben un’ quinzaine en tout
Ces couleurs bois des Indes
Ça fait un effet merveilleux
On croirait voir un troupeaux d’ dindes
Qui s’en vont aux champs deux par deux.

Cabinet de curiosité

Il nous a paru intéressant de lister ci-dessous, de manière non exhaustive, divers couplets trouvés au fil de nos recherches.

La partition de 1896

En 1896, dans la partition intitulée « Le Pompier, chanson monôme », dont Louis Damaré a recueilli et arrangé les paroles et Gustave Dreyfus la musique, on trouve le couplet suivant :

Couplet final (1896) :
Elle arriva dans son village
Les pompiers étaient sur 2 rangs
Et chacun d’eux sur son passage
Lui présentait arme vivement
Elle d’vint leur colonell’ quelle chance
Le nombr’d’ses hommes était vingt-deux.
Pour elle ils astiquaient leur lances
Quand ell’les conduisait au feu. Ah ! Ah ! Ah !

La Grande guerre

1916-1917, la Gazette Pauline, gazette de l’atelier Paulin pendant la Grande guerre, rapporte de nombreuses adaptations du Pompier par les élèves de l’École présents au front. On peut citer celle-ci à titre d’exemple :

Couplet (1917) :
Notre compagnie la sixième,
Est le plus chouette des bataillons. (Sans discussion !)
Quand le drapeau du 102e,
Flotte sur ces quatre sections. (Belles sections !)
De loin montrant leur fière allure,
Chacun s’écrit en les voyant, (En les voyant !)
Comme ces gars ont belle tournure,
Ils ont tous un p’tit air épatant. Ah ! Ah ! Ah !

New York 1956

Le Beaux Arts Institute of Design (BAID)1 de New York, dont le programme d’enseignement suit le programme des Beaux-Arts de Paris, est rebaptisé en 1956 National Institute for Architectural Education (NIAE). À cette occasion, ses membres proposent une variation sur l’air du Pompier :

1st verse (1956):
The name Beaux Arts gone for ever,
With deep regrets our hearts are bowed.
Our tender affections we sever,
It stood for much of wich we’re proud.
Our Institute will be the stronger,
Flourishing under our new name.
Our list of honors will grow longer,
As future years increase our fame.
Fame! Fame! Fame!

2nd verse (1956):
It is indeed a dull profession,
One wonders where it’s going to lead.
Our magazines are written special
For those who don’t know to read.
When people see our mad obsession,
They say that we’re not circumspect.
The vacant look, hangdog expression,
He’s probably an architect. Tect! Tect! Tect!

Chrorus (1956):
N.I.A.E. Beaux Arts
Beaux Arts N.I.A.E.
A name is just a name,
Standing for honor fame.
N.I.A.E is our flag,
Rest assured we’ll never lag.
Behind this shining tie,
We’re here to do or die!
Zim la boom la zim labaloot,
Get behind the old Institute,
Zim la boom la zim labalang,
Get behind the whole shebang.

La provinciale de 1975

Dans le livret du concours des fanfares des Beaux-Arts de 1975, surgit un couplet dit « de la Provinciale » et dont les « paroles inédites » sont signées P. Jaubert :

Couplet (1975) :
On dit qu’à la provinciale
Les vieux reviennent volontiers
Ils retrouvent à la générale
Toute l’ardeur de leurs cadets
Laissant au vestiaire leur casque
Qui par moment serait gênant
De l’école ils refont les frasques
Car enfin, ce n’est qu’une fois l’an.

Quelques couplets mystèrieux

Enfin, pour clôturer cette saga, voici deux couplets tout à fait énigmatiques, mais à coups sûrs, issus des murs de notre École.

Le premier, le couplet dit « du marché forain », dont l’origine et la date sont mystérieuses :

Couplet du marché forain :
Les pompiers de notre village,
Sont tous des gars bien résolus.
Il y en a de tous les âges,
Des vieux, des jeunes et des cocus.
Ils font parade le dimanche,
Sur la place du marché forain.
Et leur capitaine se déhanche,
Coiffé de son casque d’airain.

Et le second, dit « du bordel », emplit de la légèreté qui caractérise les ateliers et qui, comme le précédent, reste à ce jour une énigme :

Couplet du bordel :
Le feu prit un jour au bordel,
Allumé par quelques soiffards.
Le pompier saisit la plus belle,
Et sur le trottoir la foutit.
La belle qui était en chemise,
S’mit à pousser des cris perçants.
Si perçant que la bite en prise,
Pouvait se voir entre ses dents.

… Un pompier, c’est bien au-d’sus d’ça !

Notes et références

  1. Le Beaux Arts Institute of Design (BAID) fondé en 1916, devenu en 1956 National Institue for Architectural Education (NIAE), prend en 1995 le nom de Van Alen Institute en l'honneur de William Van Alen (1883-1954), ancien élève de l’atelier Laloux et auteur, entre autres, du fameux Chrysler Building à New York.