J’aimerai terminer cet article en vous faisant partager des extraits de courriers publiés dans le bulletin de la Grande Masse du 16 novembre 1939 et dans celui de début 1940, bulletins destinés aux élèves de l’École des Beaux-Arts mobilisés pendant la Seconde guerre mondiale. Ces passages caractérisent tout l’esprit de l’École.
Alain Ruprich-Robert (atelier d’Architecture libre Defrasse-Hilt) :
« Tu sais qu’après Le Mans, on nous a expédié comme des bestiaux à Laval où se trouve le peloton E.O.R…
L’esprit École a rapidement pris le dessus, après une courte lutte avec l’esprit Sciences-Po et autres qui nous traitaient de grossiers, gueulards et tout et tout. Maintenant les types de l’École sont les rois dans chaque chambrée, terrorisant les couillons, gueulant, se démerdant pour ne faire aucune corvée….Le plus baisant est que toutes les compagnies ne chantaient plus que des chansons de l’École et pendant les marches, s’il y a un architecte D.P.L.G. dans les petits villages que nous traversons, il doit être fort épaté d’entendre des trouffions poussant des « Pompiers » du tonnerre de Zeus ».
William Poulain dit « Boudu » (atelier d’Architecture officiel Pontrémoli–Leconte) :
« Je suis perdu dans un petit patelin où je me fais chier à 14 sous par jour. Les bistrots ne sont ouverts que deux heures par jour, cette guerre s’annonce terrible. Malgré que je sois le seul de l’École tout l’escadron chante « Le Pompier », au grand désespoir du capitaine qui ne comprend pas que l’on hurle cette chanson idiote (sic), le salaud. J’attends mon départ en Syrie (ici il fait trop froid) ».
Raymond Daussy (atelier de Peinture officiel Sabatté) :
« Me voilà sous les drapeaux, comme ils disent, depuis un mois et demi. Ici il y a la chiée de petits copains de l’École. Tout le bataillon sait « Le Pompier » et « Nini Peau d’Chien », que je leur ai appris, tout au moins à ceux qui ne le savaient pas ; on les chante en rentrant de marche ou au réfectoire, ambiance de vie de château. Tous des truands !!! Le soir il y a des chahuts dont ne rougirait pas un rapin ».
Pierre Duflos (atelier d’Architecture officiel Pontrémoli–Leconte) :
« […]. Comme tous les copains, « Le Pompier » a pris ici et le commandant trouve ça très bien (il trouve très bien tout ce qu’il ne comprend pas et trouve tout très bien). Il n’y a pas un pilote de mon escadrille qui ne sache pas tomber le pantalon et montrer ses fesses dans les bistrots ; le mieux est que ça fait toujours rire ».