Dans le vocabulaire courant, le mot « charrette » ou encore l’expression « être charrette » sont aujourd’hui fréquemment employés par Monsieur et Madame Tout-le-Monde.
Toutefois beaucoup ignorent, même parmi les architectes, l’origine de ces termes que l’on peut situer après 1830, date de l’installation effective de l’École des Beaux-Arts au 14 Rue Bonaparte.
Concernant la section d’Architecture de l’École des Beaux-Arts, il y a lieu de distinguer deux catégories d’ateliers : les ateliers dits « officiels ou intérieurs » et les ateliers dits « libres ou extérieurs » :
- Pour la première catégorie, les ateliers officiels créés par le décret Impérial de 1863, ils sont situés au sein même de l’École, le chef d’atelier (ou Patron) est nommé et est rémunéré par l’Etat. Ces ateliers sont dispensés de toutes charges financières afférentes à la deuxième catégorie d’atelier.
- Pour la deuxième catégorie, les ateliers libres, d’existence beaucoup plus ancienne (fin XVIIIème siècle), ils sont souvent situés à proximité de la « Maison Mère ». Ce sont les élèves qui opèrent le choix du chef d’atelier (ou Patron). Ceux-ci sont dûment reçus et officiellement inscrits à l’École mais doivent, malgré toutes les apparences de titre à la gratuité, payer de leurs propres deniers la location, l’entretien, l’éclairage, le chauffage, l’assurance de leur atelier et le paiement (normalement) de leur enseignant.
Les élèves architectes de ces deux catégories d’ateliers sont tous affiliés pédagogiquement à l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts ; ils y suivent les mêmes cours théoriques et participent aux mêmes rendus de projets ou concours dont le jugement est effectué par un jury réuni à huis clos dans la salle Melpomène (la « Melpo ») située à l’intérieur de l’École.
Ainsi le jour du rendu, immuablement fixé le vendredi entre 10h30 et 12h00, dernier carat, les élèves des ateliers extérieurs apportaient à l’École leurs projets de grandes dimensions collés sur des châssis (ou panais) dans de petites voitures à bras, les charrettes, tirées et poussées par les nouveaux (ou « nouvôs ») de l’atelier. Ces charrettes qui servaient habituellement pour des livraisons de bois et de charbon étaient louées dans la matinée chez le Bougnat généralement le plus proche de l’atelier.
Depuis les ateliers, c’est au galop que les nouveaux dans les rues braillant « Charrette au cul ! » acheminaient ainsi les charrettes, passaient la grille d’entrée du 14 Rue Bonaparte et finissaient devant l’arcade située entre le musée des Moulages de la Renaissance et la salle Ingres qui conduit à la cour du Mûrier. A cet endroit-là, les châssis étaient déchargés et emportés à bras jusque devant la porte d’entrée de la salle Melpomène où attendait le gardien de service chargé de vérifier que le projet était au complet puis, si tel était le cas, le projet était enregistré à l’intérieur de la salle par le surveillant chef des architectes.