Aux Assassins

Fanfare Madelain

Bacchus, 33T, 1957

Ce disque sort au même moment que Bal aux Beaux-Arts de la Fanfare Léon Malaquais. Avant selon certains, après selon d’autres… Mais comme Petite musique de charrette / Petite charrette de musique, il sort sur souscription.

Ce disque allait lui aussi faire date dans l’histoire des fanfares des Beaux-Arts et son initiative revenait à deux élèves de l’École qui faisaient un numéro remarquable au cabaret Aux Assassins, situé au premier étage d’un immeuble situé 40, rue Jacob1.

Aux Assassins, photo de Willem van de Poll (ca1950).

Génèse

Dans son numéro 12 de « L’Amour du Bruit2 » en date de mai 2014, Louis-René Blaire fait la critique de ce disque :

« Aux Assassins, enregistré le 19 Octobre 1957 (date figurant sur la pochette). Joyeux bordel enregistré en continu sous la houlette de nos amis Fernier et Polmard3. Cet enregistrement de leur tour de chant (reconstitué) donne une petite idée de ce que pouvait être l’ambiance quotidienne dans le cabaret « Aux Assassins » situé rue Jacob, au début des années cinquante, où nos deux compères sévissaient chaque soir en compagnie d’un autre loustic bien connu des fanfaristes pour sa virtuosité au colt 45, Lestang. On raconte que Polmard, dans son numéro, sautait chaque soir par la fenêtre du premier étage devant les spectateurs horrifiés, ignorant qu’il se réceptionnait sur l’enseigne métallique située juste en dessous pour réapparaître hilare quelques instants plus tard. Jusqu’au jour où l’enseigne finit par céder… Il en fut quitte pour une jambe dans le plâtre qui fut vite couverte de dédicaces de ses admirateurs. » 

Puis, il cite Alain Lemetais :

« Enregistré en 60 ou 61 (sic) dans un studio situé en haut de l’avenue de Versailles — celui où nous avions enregistré Le Pompier et le P’tit Quinquin pour l’ordre des architectes du Nord, congrès de juin 68, annulé —. Une vingtaine de braillards et gouailleuses autour de Fernier et Polmard, bien sûr, entourés d’habitués du restaurant, un accordéoniste, peut-être un flûtiste et une petite formation recrutée au Balto par Lestang à l’apéritif. Je faisais effectivement partie du lot avec, je pense, Callot, Leprince, Penchet et un ou deux autres. Pas de répétition, Un simple canevas avec des titres et allons-y…

Ce disque est une pièce de musée très difficile à trouver de nos jours… » 

Rencontré, afin de parler de la discographie de la Fanfare Octave Callot, Lemetais me disait à propos des Assassins : 

« Ce disque a été enregistré un soir sans répétition préalable. Un coup de fil la veille au Balto demandait une fanfare…”

Recto de la pochette.

Le disque sort fin 1957

Le disque sort en 1957 sous le label Bacchus, n°5. C’est un microsillon de 30 cm, 33 tours et porte le titre « Aux Assassins », sous-titré « Mit vocal Paulmard, pour orphéon et voix célestes ».

On vit aussi apparaître, bien des années plus tard, une réédition faite par on ne sut jamais qui et sans que les moindres droit, bien sûr, aient jamais été versés aux artistes.

En complément de la description de Blaire, voici ce que Lharidelle précise dans son Histoire édifiante et véridique de la grande fanfare Malaquais4 :

« Au programme, des chansons de l’École, comme « Trianon” ou « Jules, le fils père”, et surtout un extraordinaire duo sur “Le n°13 à Paris” entre la belle Ninon (Paulmard) et son petit cousin Gaston (Fernier), venu pour lui rendre visite. À la fin , une dispute idiote éclatait entre les duettistes, et la pauvre Ninon, cueillie par une torgnole en pleine poire, basculait à le renverse par la fenêtre dans le vide, et se retrouvait à demi morte sur le pavé de la cour. Les clients se précipitaient à la fenêtre, horrifiés, tandis que Fernier ramenait l’agonisante dans ses bras puissants. Laquelle, bien sûr, n’avait rien, s’étant rattrapée avec agilité à une sorte de potence, tout contre la fenêtre, avant de se laisser choir en souplesse sur le sol.

Le malheur voulut qu’à force d’être sollicitée de la sorte, la potence qui n’avait été conçue que pour soutenir le poids d’une simple enseigne, finit par se desceller peu à peu, et qu’un beau soir, ce fut une Ninon en très mauvais état qui se retrouva à gigoter sur le pavé.

L’enregistrement se fit avec un nombre réduit de musiciens, piano, accordéon, guitare plus un petir nombre de cuivres de la fanfare Madelain dont le tout jeune Yves Poinsot (le futur Octave Callot), au cornet et tuba, et Alain Lemetais, trompette. Le disque eu un succès mérité, compte tenu de l’esprit des différentes interprétations, et du talent des deux chanteurs. À ce propos, il ne fait pas de doute que s’il l’avait voulu, Fernier eût pu faire carrière dans la chanson, mais on ne sait pas trop pourquoi, il s’entêta dans la voie aride de l’architecture. »

Face A

  1. (Ouverture) Romance du 14 Juillet
  2. (Du bois mort) Le fils Père
  3. Le n°13 à Paris
  4. La truite, (Du bois mort) À Trianon
  5. (Du bois mort) La fanfare de Bagnolet

Face B

  1. Dudule, Jojo le beau mâle
  2. La terre jaune (Du bois mort)
  3. La tôle
  4. À la porte du couvent
  5. Charrette au cul (pot pourri5)
  6. Le Pompier

Ont participé à ce disque :

(d’après Alain Lemetais)

  • Trompette, cornet : Alain Lemetais (dit Mittag), Claude Lefolcalvez, Pierre Romain (dit Mirza), Yves Poinsot (dit Octave Callot).
  • Basse : Jean Guy, Bernard Lallemand, André Crespel.
  • Contrebasse : Maurice Empi.
  • Grosse Caisse : Guy Martin (dit le P’tit Maigre).
  • Caisse Claire : F.Cordier
  • Batterie : Raymond Roussel (Le Tout P’tit)
  • Triangle : J. P. Humbaire (dit Léon).
  • Chant : Arsène Fernier, Jean-Pierre Paulmard, Jean-Claude Lestang, Paterson.

La pochette

Le recto de la pochette, dessinée par Paulmard, ne reprend pas la maquette  des autres disques Bacchus de cette série (voir plus bas). Sans doute, a-t-il été plus facile de demander à des étudiants des Beaux-Arts plutôt qu’à des carabins de réaliser une maquette de pochette.

Verso de la pochette.

Au verso on trouve bien sûr la mention : « Disque interdit aux mineurs audition interdite en public”. En revanche, on ne retrouve pas la mention « Poison, souscription réservée au corps médical » présente aux verso des autres disque de cette série (voir plus bas). Le tout est accompagné d’un texte dont voici la transcription :

Aux Assassins,

Petite suite gaillarde, dite “Française”, chouette et assassine, en forme de merveilleux et de fornication, pour braguettes à coulisse et pacholes6 à percussion (33 1/3 T.M.). Enregistrée, contre leur gré, le 19 octobre 57, par la Fanfare Madelain, des Zartisses, et les meilleurs coureurs de dot et autres baisenvrac du 6e. Toute ressemblance vocale avec des chanteurs connus et admirés, ne serait que pure coïncidence.

«  Ce folklore musical, qu’aucune province, autre que la communauté réduite aux aguets des rapins et des poussecacas ne réclame, n’évoque-t-il pas, entonné à la gloire de l’universel érotisme, ceux-là même qui entrent dans la vie, comme dans une femme, une main dans la braguette de l’Ancien, et l’autre tendue à l’avant-garde de la Civilisation ?

Assassins des conventions et des miroirs à alouettes, bravo ! »

Anonyme 20e S.

La série des 6 disques Bacchus

Bacchus s’est fait une spécialité de la production de disques de chansons paillardes estudiantines. Celui-ci, numéro 5 d’une série de six disques, est le seul qui ne soit pas issu du milieu carabin. Ces disques étaient vendus sur souscription.

Il existait un coffret cartonné regroupant les six 33 tours de cette série Bacchus sous le titre : « Anthologie des chansons de salles de garde ».

Pour la petite histoire, cette série comprenait :

N°1 - Concerto Grosso

« Avec les chœurs des carabins, potards et autres » 

N°2 - Récital

« Avec les chœurs du metropolitain hopital »

N°3 - Tonus

« In hosto : le 18 avril 1956, Les Carabins harmonistes et le Patron »

N°4 - Quartier Latin

N°6 - À pied, à cheval et en salle de garde

Des Madelain aux Octave Callot

Pour en revenir au N°5 – Aux Assassins, ce disque qui sortait sous le nom de la Fanfare Madelain, du nom de l’atelier d’architecture, n’était donc pas un disque de fanfare à proprement parlé, mais laissait entrevoir l’arrivée officielle de la Fanfare Octave Callot issue dudit atelier.

En effet, le nom de la fanfare « Octave Callot » apparait en 1956 au cours d’une émission de télévision enregistrée rue Jacques Callot, sous la production de Jean Thévenot. Cette émission faisait un portrait du fondateur de la fanfare. Yves Poinsot se retrouva baptisé Octave Callot : Callot, comme la rue bien sûr, et Octave, prénom musical sans doute trouvé à table autour d’un verre avec les réalisateurs de l’émission.

C’est d’ailleurs en 1957, année riche en disque de fanfares des Beaux-Arts, qu’apparait la première fois le nom d’Octave Callot sur un sillon. Nous en parlerons le mois prochain.

Écoute

Pour écouter ce disque, rendez vous sur ce lien.

Notes et références

  1. Aux Assassins, restaurant au rez-de-chaussée et cabaret au premier étage, s’installe au 40, rue Jacob en 1948. Institution de la vie festive du Quartier Latin et des étudiants, il devient à partir des années 1980 un des derniers bastions de la chanson paillarde. Henri Salvador ou Léo Ferré y ont chanté. L’établissement ferme définitivement ses portes la veille de Noël 2003.
  2. Bulletin en format A4 de l'Association Fanfare Léon Malaquais et dont une vingtaine de numéros sont parus depuis 2008.
  3. Arsène Fernier, dit aussi Fournier, que l'on retrouve régulièrement dans les disques chantés des fanfares Léon Malaquais et Octave Callot. Jean-Pierre Paulmard, dit aussi Polmard, élève peintre aux Beaux-Arts.
  4. Adrien Lharidelle & Co, Histoire édifiante et véridique de la grande fanfare Malaquais , Lulu Press, 2010, 364 p.
  5. On peut entendre dans l'ordre les chansons suivantes : Saint Éloi, Ma pièce la plus ronde, Dans les bois de Meudon, Fous-la au lit, Arrêtez cocher, La mer de Chine, Le mont Sinaï, Tous les dimanches, N’insultez pas les filles, Ah laissez-moi monsieur, Le lendemain elle était souriante, À la Bastille
  6. Pour ceux qui comme moi ne connaissent pas l'argot provençal, la pachole est le sexe féminin