Grande Masse des Beaux-Arts

origines et débuts

1926

La « masse » a toujours existé dans les ateliers de l’École des Beaux-Arts : c’est en premier lieu le budget nécessaire pour faire vivre l’atelier. Il est issu des cotisations des élèves (d’où l’expression « payer sa masse »). Par extension, « la masse » se rapporte au conseil d’administration présent dans chaque atelier avec pour mission d’en gérer les intérêts et les finances. Il est représenté par le « massier », ou « massière », élu par les élèves, et agréé par le chef d’atelier (ce dernier pouvant être également appelé « Patron » ou « Maître »).

Dès la fin du fin XIXe siècle, on trouve trace de l’existence de la Grande Masse. Sa principale préoccupation étant alors d’assurer la liaison entre les ateliers pour l’organisation du fameux « Bal des Quat’Z’Arts1». Il existait donc déjà en 1892, date de la création de ce dernier, un corps organisé. Il est permis de penser, qu’en des temps plus lointains, on peut trouver la trace de groupements libres qui ont d’abord réuni les architectes, et auxquels se sont joints les élèves des autres sections de l’École des Beaux-Arts (peinture, sculpture, gravure).

La mission et l’objectif de cette nouvelle Grande Masse est de :

« créer et entretenir un lien de solidarité entre tous les élèves et anciens élèves de l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts, fonder et développer toutes organisations susceptibles d’améliorer la situation de ses membres2. »

Article Ier des statuts – 1926

Au retour de la Première Guerre Mondiale les difficultés présentes de la vie renforcèrent l’esprit corporatif. L’idée de grouper de manière juridique et légale tous les élèves de l’École se fixe dans l’esprit de quelques-uns. 
C’est ainsi que les 6 et 7 avril 1925, dans le caveau du « Rocher », alors célèbre café du boulevard Saint-Germain à Paris, se groupent plusieurs camarades pour désigner les grands massiers des quatre sections de l’École (peinture, sculpture, gravure, architecture) et le Grand Massier de l’École. 

Raymond Müller (1893-1982 / atelier officiel d’architecture Paulin puis Pierre André) est le premier Grand Massier, fondateur et président de l’association. Le conseil de la Grande Masse comprend : Louis Allix, Grand Massier des architectes (1894 – 1964 / atelier libre d’architecture Godefroy), Francis Harburger, Grand Massier des peintres (1905 – 1998 / atelier officiel de peinture Simon) et Paul Belmondo, Grand Massier des sculpteurs (1898 – 1982 / atelier officiel de sculpture Boucher).

Ce groupement est, à partir du 12 janvier 1926, date du dépôt des statuts de l’association, officialisé de façon légale. Son Siège s’installe 51 rue de Seine à Paris (6e arr.).3

Pour tout capital la Grande Masse ne possède qu’une somme de quatre cents francs, provenant de la vente d’une machine à écrire, legs de l’ancienne masse. 

« Malgré ce début modeste, le vif désir que nous avions de parvenir au but, l’énergie déployée par les plus dévoués, permirent tous les espoirs4. »

Raymond Müller – 1935

Afin d’arrondir ce capital, le Grand Massier songe à organiser un bal : le Bal Païen. Il a lieu salle Bullier le 29 janvier 1926, patronné par le journal artistique COMŒDIA. Il obtient un succès tel que la Grande Masse se trouve détentrice le lendemain de la somme estimable de vingt mille francs. Par ailleurs, grâce à une propagande inlassable la caisse se remplit, les adhésions rentrent ; le cercle d’indifférence qui entoure la Grande Masse à ses débuts s’estompe.

Affiche du Bal Païen (119,6 x 80 cm), auteur Julien Pavil (1897 – 1952).
« Pour les obtenir en grand nombre, nous parcourions les ateliers où nous placardions des affiches d’une grandeur impressionnante, symboles de notre nouvelle fortune. Des harangueurs zélés grimpaient sur les tables, enflammant leur auditoire par leur éloquence persuasive, entraînant les derniers hésitants. Nos Maîtres approuvaient notre œuvre, nous aidaient et nous donnaient aussi leur adhésion5».

Raymond Müller – 1935

Parallèlement, pour conquérir les écoles régionales, la Grande Masse effectue plusieurs voyages en province où elle est toujours accueillie avec enthousiasme.

C’est aussi en 1926 que la Grande Masse crée son bulletin. Celui-ci s’impose très rapidement comme un organe essentiel reliant entre eux élèves et anciens élèves, tout en portant et fédérant la voix de l’École. Les rubriques variées traitent de tout ce qui touche la vie de l’École ou les membres de l’association. Le bulletin publie aussi, toutes sections confondues, les « médailles » des concours de l’École6
Louis Charonnat (1897 – 1966 / atelier libre d’architecture Goddefroy) est son premier rédacteur en chef. Alors adjoint du Grand Massier, ce dernier s’attèle à la publication du bulletin, le façonne et lui donne l’âme qui permet de convaincre les sceptiques. Il y intègre une publicité qui assure un minimum de sécurité financière à la parution mensuelle de ce livret.

Couverture du bulletin de la Grande Masse, février 1929 (21,5 x 13,5 cm) 7 

Voyage d’étude du conseil de la Grande Masse, Rouen 1926, photographie publiée dans le bulletin de la Grande Masse d’octobre 1926 8.

« La Fondation Fauvet qui nous permettra des interventions multiples est créée : aide à un camarade dont la situation de fortune ne permet pas de poursuivre ses études, sous forme de prêt d’honneur – aide à un camarade que la maladie terrasse en plein effort – aide parfois même à la famille d’un camarade enlevé tôt à l’affection des siens, restés dans le besoin – aide dans tous les cas où la grande solidarité de l’École doit prouver qu’elle est agissante10».

Raymond Müller – 1935

Extrait du bulletin de la Grand Masse, novembre 1926.

Affiche pour un bal masqué de Mardi Gras (120 x 79,6 cm), auteurs Jules Cavaillès (1901 – 1977) et Roger Limouse (1894 – 1989) / Collection part.11.

Dans les années qui suivront, grâce à l’initiative des Grands Massiers successifs et au dévouement d’un grand nombre d’adhérents13, la Grande Masse développera de multiples services.

Notes et références

  1. Le Bal des Quat’Z’Arts a été créé en 1892 par Henri Guillaume alors « Grand Massier architecte de première Classe » à l’atelier libre d’architecture Laloux (voir le site internet 4zarts.org). Ce Bal, dont le dernier eu lieu en 1966, était organisé par un comité élu, totalement indépendant de la Grande Masse des Beaux-Arts, bien que de nombreux membres du conseil de la Grande Masse ont été également « Comitard » du Bal.
  2. Article 1 des statuts légaux de l’Association déposés le 12 janvier 1926.
  3. En mars 1937, le siège de la Grande Masse s’installe 1 rue Jacques Callot, Paris (6e arr.). L’association y demeure jusqu’en 2007.
  4. Extrait du discours de Raymond Müller, Grand Massier fondateur, lors de la célébration en 1935 des dix ans de la Grande Masse.
  5. Extrait du discours de Raymond Müller, Grand Massier fondateur, lors de la célébration en 1935 des dix ans de la Grande Masse.
  6. Extrait du bulletin de la Grande Masse du mois de mai 1926 : « Nous avons l’intention de publier intégralement les œuvres et les projets médaillés dans nos concours d’École. Notre but n’est pas d’aider le plagiaire dans son ignoble besogne, mais de continuer d’une façon permanente l’enseignement des expositions et de le donner à nos camarades de provinces qui ne peuvent venir à Paris. »
  7. Sur ce bulletin, le logo de la Grande Masse apparaît pour la première fois. Celui-ci a été dessiné par André Leconte, (1894 – 1966 / atelier officiel d’architecture Pontrémoli / 1er Grand prix de Rome d’architecture en 1927), lors de son séjour à la Villa Médicis à Rome. Les cinq personnages représentés correspondent à la distinction des arts telle qu’elle a été faîte par Hegel au XIXe siècle. De gauche à droite, on observe ainsi l’Architecture, la Poésie, la Musique, la Peinture et la Sculpture.
  8. Voyage d’étude interscolaire du conseil de la Grande Masse accompagné des massières et massiers des ateliers de l’École des Beaux-Arts de Paris, à Rouen en juillet 1926, sous le patronage d’Édouard Delabarre (1871 – 1951), chef d’atelier à l’École d’Architecture de Rouen.
  9. Albert-Oscar Fauvet est né à Douai en 1882. Promotion 1902 à l’École des Beaux-Arts de Paris à l’atelier officiel d’architecture Moyaux, puis Lambert. Albert-Oscar Fauvet est mort pour la France, tué à l’ennemi en 1915, à Minaucourt dans la Marne.
  10. Extrait du discours de Raymond Müller, Grand Massier fondateur, lors de la célébration en 1935 des dix ans de la Grande Masse.
  11. Tous les deux élèves en peinture à l’académie Julian.
  12. Suite à cette citation, la cérémonie de remise de la Croix de guerre, a lieu 5 ans après, le 20 janvier 1932, dans la cour du Murier de l’École des Beaux-Arts.
  13. L’association compte 701 adhérents au 4 mars 1927, 1 360 adhérents au 1er février 1929, 2 120 adhérents au 1er avril 1931 et environ 4 000 adhérents en 1962.