Ce disque est donc le 5e de Léon Malaquais, le 4e chez Pathé. Le disque est enregistré, comme “Flots d’Harmonie” à l’automne 1959 sur deux jours consécutifs aux Studios Jenner, rue Jenner à Paris 13ème arrondissement. Comme pour les deux précédents, bien que faisant partie de la même session, nous traiterons les deux disques séparément. Il est sorti officiellement le 17 mars 1960, le temps écoulé entre l’enregistrement et la sortie étant due au travail en studio pour quelques retouches, les chœurs et autres vocaux.
Evoquant la préparation de ce disque et le choix des morceaux, Lharidelle raconte :
« …Une petite équipe se forme ainsi autour du nouveau projet de disque, prévu aux alentours de la mi-octobre de ce même année 59, et le temps presse. Ceux de cette mémorable virée (dans le sud), plus Honoré, retour d’autres aventures, prennent les choses en mains. Les propositions de morceaux sont discutées avec passion, aux répétitions, dont le rythme s’accélère sérieusement. Ainsi Mac Hulot fait adopté Le Grand Frisé, et un petit Galop du meilleur effet, qu’il a sous le coude depuis longtemps. Honoré n’a aucun mal à fourguer ses meilleurs arrangements, dont le célèbre Dans Les Rues D’Antibes, très populaire, tandis que d’anciens chez Arretche on apporte Le Danseur de Charleston et Le P’tit Bal du Samedi Soir.
Quant à Malaquais, qui, à force, a fini par se laisser prendre par la vie professionnelle, et que l’on ne voit plus à chaque manifestation, il est toujours là pour les grandes, et fait inscrire au générique deux airs du répertoire 1900, dont il est grand amateur, En Revenant de la Revue et La Tsarine. Bref, les préparatifs vont bon train, et les “prisonniers” en sont tenus informés…
…Le lendemain, lors de l’enregistrement, les fanfaristes, en guise de mise en train, prennent une folle décision, et cela à l’instigation pas vraiment préméditée d’Honoré. C’est en tout cas ce qu’il dira plus tard. Voici les faits. Dans un coin du studio, trône un Steinway. Incapable de se contenir devant la Rolls des pianos, le jeune Honoré s’y installe pour tester le monstre à queue et c’est L’entrée des Gladiateurs qui en sort sous ses doigts. Une marche jouée dans tout cirque digne de ce nom, mais réputée si difficile, que chez les Malaquais, personne de sensé n’a jamais imaginé essayer de la jouer.
Mais voila que soudain, on ne sait qui, ni piqué par quelle mouche, s’enflamme: “Ouais ! L’entrée des gladiateurs ! on se la fait ! …” Et le pire, est que beaucoup adhèrent à cette folie, si bien qu’en un instant on lance l’enregistrement et que la fanfare mi-rigolarde, mi-consternée embraye sans complexe, ni même un ton défini. Ce qui produira une sorte de bouillie sonore, touillée sans retenue ni ménagements et qui devrait rester, pour l’instant encore, unique dans les annales.
Une telle liberté (ou une telle insouciance, si l’on préfère) est révélatrice. Désormais, face aux micros, le trac ne paralyse plus ces vieux briscars. Du coup, le résultat est sans comparaison avec la prestation un peu timorée du disque “Faites danser les rosières”. Dans le même ordre d’idée, on admirera au passage les interventions vocales u Gros Day, qui signe là une de ses participations majeures au Grand-Œuvre collectif (il avait déjà été excellent dans le Rico Vacilon du 45 tours).
Est-il besoin de le préciser ? De telles performances ne sont jamais programmées. Certains avaient même tenté de dissimuler à Paul Diaz la date, et le lieu de l’enregistrement? En vain, impossible de se débarrasser de ce salopiot, il déjouait toutes les ruses (finalement, on renonça à lui interdire la porte du studio et heureusement!). Revenu pour l’occasion de Tunis, rien n’aurait pu l’empêcher de se pointer à temps ni d’exécuter cette hallucinante prestation, où, seul avec son violon d’enfant, il arrive à lui faire perdre le nord, la mesure et son sérieux. (Ce Galop…un si bel…air…et travaillé avec tant de soin!). Même pas une corde qui casse, en plein enregistrement, et dont une main secourable, celle de Champris, se saisit par un bout et parvient à maintenir sur le chevalet, avec une tension suffisante, bien que variable, pour que le virtuose puisse poursuivre sa folle équipé.
Mac Hulot, à la demande du directeur artistique de Pathé fit des photos pour les couvertures, et la pertinence du choix de celui-ci fut mitigée. Bravo pour la marionnette du petit pompier d'”En Revenant d’la R’vue”, dont le choix semblait bien improbable….Mais l’autre, celle du Gros Day en pékin, à genoux devant une blonde inconnue, n’est à la hauteur, ni du bonhomme, ni de la fanfare? Mais peut-être le première fut-elle au prix de la seconde?… »