Le dîner du Patron de l’atelier Danis et Patriarche

École régionale d'Architecture de Strasbourg

Décembre 1928

Il est proposé ici, de vous reproduire un récit de René Blanchot1, élève à l’École régionale d’architecture de Strasbourg, au sujet du dîner du Patron2 de l’atelier Danis3 et Patriarche4. Ce diner eut lieu en décembre 1928.

Récit publié dans le Bulletin de la Grande Masse de janvier 1929

« Le traditionnel diner du Patron, qui eut lieu, le mois dernier, fut un gueuleton joyeux et pantagruélique, tout baigné d’une franche atmosphère de camaraderie du meilleur cru.

MM. Danis, Patriarche, Geyer5 et Ledoux, enrobés dans un groupe compact d’anciens de l’atelier, avaient répondu à l’invitation de la Masse et présidèrent avec bonne humeur, bienveillance et indulgence, à nos ébats, saillies, chants bacchiques (sic) et autres folies d’usages de l’après-dessert…

Il y eut, aux liqueurs, un laïus du Massier6, de qualité double par la solidité du fond et d’encouragement pour anciens et bizuts…

Enfin Patriarche, Geyer et Ledoux prirent aussi la parole et dégagèrent en quelques mots la signification de cette cérémonie traditionnelle, tout en soulignant la nécessité de conserver intactes nos vieilles coutumes d’École qui, sous leur apparente frivolité, ont une signification profonde.

Puis on sabla le champagne. Des toasts nombreux furent portés et chacun exhiba ses petits talents…

À signaler particulièrement le Massier Stoskopff précité, dont les imitations de professeur secouèrent maints ventres d’une gigantesque et spasmodique hilarité !

Incapables de travailler longtemps à ce taux excessif, maints boutons de culotte sautèrent et disparurent sans retour… Enfin, le camarade Olivier de Lapparent7, jovial et très en verve lui aussi, déclama, chanta, siffla, mima et patati et patata, activant par ses drôleries et pitreries la digestion de tout un chacun, assez pénible, comme on s’en doute !

Je ne puis citer tous, mais je serais le dernier des derniers, si je ne mentionnais tout spécialement les camarades : Hang, dont la munificence n’eut d’égale que la qualité de l’extra-dry dont il abreuva à flots nos gosiers en joie, et Guri8, trésorier et organisateur du banquet, qui se coupa littéralement au moins en douze, pour que nos estomacs et porte-monnaies soient satisfaits…

Problème complexe s’il en fût… et combien brillamment résolu, si j’en juge par la solide G. d. b. du lendemain ! 

Un merci chaleureux à notre consœur et ancienne, Mlle Dupuy9, D. P. L. G. qui ne pouvant pas venir, s’excusa très gentiment dans une charmante lettre, prouvant ainsi aux quelques abstentionnistes, qu’il est possible de concilier les devoirs sociaux et familiaux avec les règles de la bonne camaraderie.

Strasbourg, janvier 1929.

R. Blanchot. »

Portraits de quelques protagonistes cités
Bibliographie

Anne-Marie Chatelet et Franck Storne (dir.), Amandine Diener, Bob Fleck, « Des Beaux-Arts à l’université : enseigner l’architecture à Strasbourg », ENSA Strasbourg, Éditions Recherches, Paris, 2013 (lire en ligne)

Notes et références

  1. René Blanchot (1901 – 1978), admission en 1926 à l’École régionale d’architecture de Strasbourg, atelier Danis et Patriarche. 1re classe en juillet 1929. Transfert en 1930 aux Beaux-Arts de Paris, atelier libre d’architecture Expert.
  2. Définition de patron dans l’opuscule de René Beudin, « Charrette au cul les nouvôs ! » (Ed. Horay, 2006) : « Plus qu’un enseignant, le patron est d’abord un animateur de l’atelier de l’École qui porte son nom. (…) Le patron est le plus souvent aimé de ses élèves qui le fêtent et l’honorent. » 
  3. Robert Danis (1879 – 1949), admission aux Beaux-Arts de Paris en 1899, atelier Deglane. Diplômé en 1905. Chef d’atelier et directeur de l’École de Strasbourg de 1921 à 1949.
  4. Jean-Henri Patriarche (1885 – 1941), admission aux Beaux-Arts de Paris en 1909, atelier Hulot, puis Laloux. Diplômé en 1919. Chef d’atelier à l’École de Strasbourg de 1920 à 1925.
  5. René Geyer, architecte en chef des bâtiments civils et des palais nationaux.
  6. Le massier, Gustave Stokopff (1907 – 2004), admission en 1926 à l’École régionale d’architecture de Strasbourg, atelier Danis et Patriarche. 1re classe en juillet 1928. Transfert en 1931 aux Beaux-Arts de Paris, atelier officiel Pontrémoli, puis Debat-Ponsan. 2Second Grand prix de Rome en 1933. Diplômé en 1934, prix Julien Guadet du meilleur diplôme en 1935. Chef d’atelier à l’École de Strasbourg de 1946 à 1955 et directeur de cette dernière de 1949 à 1967.
  7. Olivier de Lapparent (1908 – 1996), admission en 1927 à l’École régionale d’architecture de Strasbourg, atelier Danis et Patriarche. 1re classe en juillet 1929, diplômé en 1934. Professeur de comptabilité et d’organisation professionnelle à l’École de Strasbourg de 1951 à 1968.
  8. Le trésorier de la masse, Fernand Guri (1908 – 1991), admission en 1927 à l’École
    régionale d’architecture de Strasbourg, atelier Danis et Patriarche. 1re classe en novembre 1929. Transfert en 1932 aux Beaux-Arts de Paris, atelier officiel Pontrémoli, puis atelier libre Leconte. Diplômé en 1934.
  9. Yvonne Dupuy, épouse Meyer-Severt (1902 – 1972), admission en 1921 à l’École régionale d’architecture de Strasbourg, atelier Bonnet, puis de Danis et Patriarche. 1re classe en décembre 1924. Diplômée en 1927.