Nous voilà de retour à Condom pour le festival des bandas et peñas, 4e du nom, avec cette fois une fanfare atypique dans le microcosme des fanfares des Beaux-Arts, Les Trombones à Tout Faire. Voilà encore un beau nom pour cette fanfare, un nom qui dit bien ce qu’il veut dire : une fanfare exclusivement constituée, du moins au début, de trombones.
Cette fanfare a été créée en 1972 par Philippe Molle1 qui raconte dans ses mémoires 2 :
Lorsque j’ai, en tant que maire, inauguré le nouveau gymnase que j’ai fait construire, j’ai voulu en profiter pour informer les habitants, nouveaux et anciens, de l’existence des multiples associations de la commune, chacune ayant un stand pour y présenter ses activités. Afin que cette sorte de kermesse se déroule dans une ambiance festive, j’ai demandé à plusieurs formations musicales de venir l’animer. Après en avoir parlé avec plusieurs camarades de l’École, nous avons décidé de créer une fanfare d’anciens, exclusivement composée de trombones. Nous avons recruté plusieurs autres joueurs et je m’en suis acheté un à pistons pour remplacer ma trompette. Nous avons répété avant de nous produire pour la première fois en public à l’occasion de cette inauguration du gymnase. Notre nom est « les Trombones à Tout Faire» et tous mes camarades sont déguisés en petites bonnes alors que je suis moi-même en valet de chambre, un plumeau attaché à mon instrument. Une fois sur scène, nous jouons plusieurs airs endiablés avant que les habitants ne me reconnaissent. Pendant l’un des airs, je passe successivement devant chaque petite bonne et soulève son tablier blanc pour épousseter le devant de sa robe avec mon plumeau. Mais un de mes camarades y a découpé un gros trou et lorsqu’il n’est plus caché par le tablier, on voit apparaître son service trois pièces écrasé par le collant rouge qu’il a revêtu. Les spectateurs des premiers rangs sont pliés de rire…
Musicalement, les Trombones à Tout Faire s’organisent de la manière suivante : certains des trombones à pistons assurent les parties de trompettes qui, à l’époque jouaient les thèmes, les autres trombones à pistons jouaient les parties de basse, les pompes, et les trombones à coulisses jouaient les parties de… trombones à coulisse !
En 1974 nous sommes allés au festival des bandas y peñas à Condom. Bien que seulement 7 trombones, entouré de bandas composées de plus de 30 musiciens et de danseuses et danseurs, nous avons remporté le 1er prix de la qualité musicale, grâce auquel nous avons figuré dans des guides d’organisateurs de spectacles et obtenu par la suite de nombreux contrats, surtout en province, devant parfois en refuser. L’année suivante nous somme retournés à 11 trombones à Condom3…
En route, les Trombones à Tout Faire ont été l’objet d’une demande émouvante que Molle raconte à l’occasion du centenaire de l’armistice de 1918 :
C’était en 1974 un samedi en fin de matinée, ma fanfare « Les Trombones à Tout Faire », se dirigeait en 3 voitures vers Condom pour participer au festival des Bandas y Peñas… En traversant Agen, nous voyons que c’est jour de marché et nous décidons de nous arrêter un moment pour faire une manche en jouant. De nombreux passants s’arrêtent pour nous écouter et au premier rang il y a un petit vieux qui devait alors être un peu moins âgé que moi aujourd’hui ! Il était dans un fauteuil roulant et après que nous ayons joué quelques airs il m’a demandé si nous pouvions interpréter pour lui La Madelon. Bien sûr, elle faisait partie de notre répertoire. À peine avons-nous commencé que de grosses larmes s’écoulèrent sur son beau visage ridé. Et lorsque nous l’avons finie, il a ouvert une petite boîte en métal et ma tendu un billet de 10 francs (nouveaux), alors que toutes les autres oboles ne dépassaient jamais 1 franc !
Le samedi soir, nous avons d’abord tous dîné sous une énorme tente, et après le dessert, nous, les « Trombones à Tout Faire » avons lancé un air, sans doute Beer barrel, et tous les autres ont repris. Puis a eu lieu le défilé dans les rues et là nous étions grotesques, à 7 seulement, avec devant nous une banda composée d’une trentaine de musiciens et d’une vingtaine de danseuses, nous traînions pour ne pas être couverts par eux, mais derrière une autre aussi nombreuse nous collait au cul, nous ne nous entendions même pas jouer !…
…Et après ce défilé, nous sommes allés dans un bistro, sans autre fanfarons, et avons joué jusqu’à une heure très avancée de la nuit, en faisant danser une foule de plus en plus compacte, ce qui nous a rendus célèbres.
Le lendemain matin, après un petit déjeuner arrosé d’Armagnac, concours de la qualité musicale dans le cloître de l’abbaye. Nous y avons joué Amsel Polka et avons obtenu le premier prix, grâce auquel nous avons figuré dans plusieurs annuaires et obtenu ainsi plus de contrats que nous ne pouvions en assurer.
FACE A
- La Pêche aux moules, Mamzelle Angèle, Los Incendieros.
- Los Calientes, Zimboum.
- Marche de la Zarpaï Banda.
- Adios Ximum.
- A la Bastille, Je cherche Fortune, Encore un ptit verre, Ils ont des chapeaux ronds, Alouette.
FACE B
- En er Mundo
- C’est à Baba, A los Hermanos.
- Populaire franco-basque (*), In the Mood, (Pitchouli)
- Fandango Baïona Banda, (Cakewalk), Dans le Tourbillon de Condom.
(*) Seules 35 secondes sont accordées aux Trombones à Tout Faire : il s’agit en fait de Sous les Ponts de Paris.
Outre Les Trombones à Tout Faire, nous retrouvons dans ce disque un certain nombre de bandas, peñas et fanfare :
Los Alborados de Cenon – Texans Girondins de Bordeaux – Baïona Banda de Bayonne – Los Alegres de Saint-Sever – Los Calandos de Nérac – Lous Camelous de Béziers – Las Canlevos de Pavie – Los Escapateros de Mugron – Eskual Herria de Bayonne – Los Gauyos Orthésien d’Orthez – Groupe Musical Sétois de Sète – Los Palacios d’Oloron – Los Pagayos de Fleurance – Pena Volo Biou de Saint-Florent – Los Pomposhos de Saint-Sebastien – La Zarpaî Banda d’Hendaye – Los Compleros de Monfort.
Étaient présents à Condom :
- Trombones à pistons : Philippe Molle, Michel Lécrevisse, Philippe Taillardat, Jean-Loup Guillain,
- Trombones à coulisse : Frank Hindley, Olivier Brard, Nicolas Coulon.
Les Trombones à Tout Faire sont retournés l’année suivante à Condom en Armagnac. Ils étaient 11 mais n’ont gagné aucun prix cette année-là…
Plus tard, les Trombones engageront des éléments rythmiques, soubassophone et grosse claire et parfois caisse claire et banjo.
“Un jour où notre caissiste ne peut venir avec nous, il confie sa grosse caisse à Marie-France, qui est notre costumière et nous suit dans tous nos déplacements. Comme elle chante parfaitement juste et a un excellent sens du rythme, je ne me fais aucun souci. J’ai tort, car une fois en scène, nous constatons qu’elle bat tout à contre-temps. Nous abrégeons l’air entamé et je pose mon trombone pour la remplacer. La veille d’un autre contrat, j’ai ramené la grosse caisse car son propriétaire nous fait à nouveau défaut et je m’entraîne avec mon trombone pour me « faire les lèvres », comptant alterner grosse caisse et trombone. Marie-France se saisit de la grosse caisse et j’observe qu’elle bat à nouveau à contre-temps, mais exactement en rythme. Je lui dis de prendre la mailloche dans la main gauche au lieu de la droite, la cymbale dans la droite au lieu de la gauche… et elle bat alors parfaitement. C’est ainsi que nous découvrons qu’elle est gauchère de nature. Dès notre retour, je lui achète une grosse caisse et elle devient un élément capital de notre fanfare.”
Nous vous laissons ci-après l’opportunité d’écouter sur ce lien le morceaux joué par Les Trombones à Tout Faire :
Notes et références
- Philippe Molle, né en 1935, ancien élève chez Candilis, architecte DPLG, Grand Massier de 1962 à 1965
Brève sur les grands_massiers
Filiation de l'Atelier d'Architecture CANDILIS - Philippe Molle - Mémoires d'Outre-Mer - Editions L'Harmattan - 2005
- Extrait d'une lettre de Philippe Molle à Véronique Flannet en 2015.