Je vous propose de vous faire partager une extravagance des élèves de l’atelier Cabanel qui s’est produite en 1882. Commençons par l’article de l’hebdomadaire “Le Moniteur des arts” dans son édition du 14/04/1882 qui relate :
“Le conseil supérieur des beaux-arts, qui se compose du directeur de l’Ecole des beaux-arts, des membres de l’Institut, de professeurs, et qui tient ses séances sous la présidence du ministre de l’Instruction publique, vient d’ordonner la fermeture de l’atelier de M. Cabanel, à la suite des scènes déplorables que voici : Le lendemain de l’enterrement du peintre Lehmann (nota : ancien chef d’atelier d’un autre atelier de peinture) quelques élèves de l’atelier Cabanel ont empilé les tabourets, les chevalets, les bancs les uns sur les autres, et ont couronné le tout d’une « tête de mort ». Ils ajoutèrent ensuite au bas de l’édifice une pancarte, sur laquelle étaient écrits ces mots : Au regretté Lehmann. Puis, après avoir blanchi la figure de l’un d’entre eux pour simuler le mort, ils se rendirent en procession dans la grande cour de l’Ecole en récitant des litanies où revenait souvent le nom de M. Lehman ; puis sortant de l’Ecole, ils sont entrés chez un marchand de vin et ont continué leurs farces. Le directeur de l’Ecole, quand il connut les détails de ce scandale, convoqua immédiatement le conseil supérieur, qui, sur l’avis même de M. Jules Ferry, décida tout de suite que l’atelier serait fermé jusqu’à ce que les coupables vinssent se déclarer. Tous les ateliers devant être fermés du lundi de Pâques au lundi suivant, à cause des fêtes, il fut décidé que l’on accorderait aux élèves un délai de quelques jours. Si le 17 de ce mois, les auteurs du scandale ne se sont pas déclarés, l’atelier Cabanel restera fermé.”
Précisons que les faits relatés se sont produits le samedi 1er avril 1882, après la fin d’une séance de dessin dans l’atelier. Dans un courrier adressé à Alfred CHÉRIÉ, directeur du Moniteur des Arts, courrier daté du 15/04/1882, Pierre DELAVAULT (1856 – ?) et Albert BICAL (1853 – ?), respectivement Massier et Sous-Massier de l’atelier Cabanel, font savoir, en droit de réponse, qu’ils “opposent le démenti le plus formel à tous les faits qui nous ont été attribués : rien autre chose n’a eu lieu que ce qui est relaté plus haut.” Il demeurera que l’atelier restera fermé lors de la rentrée des vacances de Pâques et ce jusqu’à mi-mai 1882 (1 mois). À cette date, la rouverture de l’atelier fut décidée par le Conseil Supérieur des Beaux-Art, faisant suite à une adresse collective de tous les élèves de l’atelier Cabanel à l’attention du directeur de l’École, adresse dans laquelle ils exprimaient “leurs vifs regrets des scènes qui avaient eu lieu, en affirmant de plus, leur profondément respect pour la mémoire de M. Lehmann, ajoutant qu’ils ne sauraient être tous rendus solidaires de la légèreté et de l’indiscipline dont quelques-uns d’entre eux s’étaient rendus coupables.” Aucune expulsion ne fut décidée, les noms des manifestants étant restés inconnus.