2ème Festival International de Bandas y Peñas de Condom-en-Armagnac
FANFAR' BOCLOU (Fanfare des Beaux-Arts de Toulouse)
JUNQUE-OC 33.122 - Microsillon 30cm, 33T - 1972
Bon ! Soyons francs, les fanfares des Beaux-Arts sont assez éloignées des bandas et autres peñas rencontrées dans le sud. Cela dit, amateurs de ferias, elles ont été amenées à se rencontrer et parfois se côtoyer. L’histoire racontée dans le présent article montre d’ailleurs bien les différences entre ces deux mondes “harmoniques”.
Alors, que faisait donc Aristide BOCLOU à Condom au milieu de ces bandas ? L’histoire montrera qu’elle n’est pas la seule fanfare de l’École à être allée à Condom. Cela dit, ce disque nous permet de découvrir la fanfare des Beaux-Arts de Toulouse, la Fanfar’ Boclou.
Richard TISSINIER nous raconte ainsi les débuts de cette fanfare :
“Le 14 avril 1966, Pierrot LACOMBE, étudiant en architecture à l’école des Beaux-Arts de Toulouse, fait son entrée dans la cour de l’école au volant de sa Simca 1000 dorée ; à l’intérieur, 23 cuivres achetés à l’harmonie de Saint-Sulpice-la-Pointe.
Tous les jeudis, dans l’amphithéâtre, au son d’un Teppaz 1 , les six jeunes enthousiastes qu’il a réunis découvrent les 45 tours de Léon MALAQUAIS et Octave CALLOT. C’est un vrai bonheur. Nous sommes tout ouïe et conquis par l’allégresse et l’humour de cette musique : c’est promis, nous glorifierons nos maîtres !
Pierrot nous enseigne les mélodies que nous reprenons avec conviction et au prix d’un travail individuel acharné. Il faut dire que notre chef avait une solide formation et savait partager sa joie. N’avait-il pas dès l’âge de 12 ans joué de la trompette avec les Cadetous de la Flahuto, groupe folklorique occitan dirigé par Georges PERRON 2 ? Il est de bon ton, pour nous reposer les lèvres après chaque répétition de finir au café Le Bellevue, résidence des élèves des Beaux-Arts, à deux pas de l’École.La fanfare s’étoffe. Après deux mois de répétitions hasardeuses, ses dix courageux premiers membres font leur première prestation dans le petit village de Saint-Béat, à la frontière espagnole, pour animer la fête locale. Un exercice éprouvant qui consiste à faire trois fois le tour du village en suivant des chars fleuris…”
Sur la route du retour vers Toulouse, la fanfare épuisée et assoiffée fait halte à Saint-Gaudens pour se restaurer. En dépit de l’heure tardive, le patron nous accueille en souriant et nous sert un repas gargantuesque : il adore la musique et décroche son cor de chasse pour l’occasion. Il nous régale fièrement de son divin nectar rosé 12° : Les bons vins Beauclou ! entre Saint-Sulpice-la-Pointe et le nectar Beauclou, une communion naît per vitem ad vitam 3 .
Pierrot nous annonce avec malice la naissance de la fanfare Boclou, dont il prend la tête : il la dirigera fièrement désormais sous le nom d’Aristide BOCLOU.
La fanfare venait d’être baptisée. C’est à ce moment précis qu’a commencé la belle aventure fanfaronesque…”
4
.
Ainsi est née la Fanfare Boclou… Ne cherchez pas de rue ou de place Boclou à Toulouse, il n’y en a pas. Pour une fois, le nom de la fanfare n’a aucun motif géographique.
Nous retrouvons la Fanfar’ Boclou six ans plus tard à Condom-en-Armagnac. Entre-temps, elle a vécu sa vie de fanfare, de tournées en rencontres, jouant régulièrement avec la fanfare des Beaux-Arts de Clermont, prenant régulièrement villégiature à Collioure. Cette fanfare vivra à peu près 20 ans et reprendra vie plus tard 5 .
Rien ne prédisposait une telle fanfare à se rendre à Condom-en-Armagnac pour son festival de Bandas et Peñas dont on lira sur le verso de la pochette l’état d’esprit des organisateurs. Notre connaissance des fanfares des Beaux-Arts nous éloigne de ce type de manifestation.
“Un beau jour du mois de mars 1972, Aristide nous parle du Festival de Bandas de Condom. Bien que le mot Bandas ne nous corresponde pas et que nous ne soyons guère emballés par le morceau imposé, Viva España, nous décidons d’y aller. Gégène, notre souba-arrangeur, déclare relever le défi. Nous interpréterons le morceau sur quatre rythmes différents : marche, tango, paso et valse. Nous ajoutons à cela une chorégraphie digne du Magic Circus (le Boclou Circus a déjà fait ses preuves). Nous abandonnons notre tenue de sortie traditionnelle (redingote, marinière et chapeau melon) : la couleur sera à l’honneur pour la Grande Parade. Notre déplacement se fera en bus…”
(Richard TISSINIER)
“…Notre arrivée sur scène surprend tout le monde, les spectateurs se demandent si nous ne nous sommes pas trompés de festival : c’est fellinien, totalement foldingue… Viva España est joué à toutes les sauces, les rythmes s’enchaînent et la musique est au top. Il faut dire que nous avons recruté large dans les pupitres. Pour la circonstance, quatre copains profs ont déserté le Conservatoire de Toulouse pour nous rejoindre : Mathieu au trombone, Ursule au tuba, Canillac à la trompette et Duprat au saxo, plus Chazot et Joanin des Bi’Zarts de Collioure, ça le fait ! Rémy le lanceur de flammes, Richard et Bijou au pas de deux sur la valse à trois temps, Baron en équilibriste et jongleur d’œufs frais avec Joanin, la scène en délire devient une gigantesque omelette en folie.”
(Richard TISSINIER)
La Fanfar’ Boclou à Condom :
L’annonce des prix se fait le dimanche sous la halle où toutes les Bandas déjeunent dans une bonne ambiance. A sa grande surprise, la Fanfar’ Boclou obtient le 1er prix et est littéralement acclamée. Il leur faut rejouer un morceau sur scène. Et c’est là que l’on peut être rassuré, que les chats ne font pas des chiens et qu’une fanfare des Beaux-Arts n’est pas tout à fait une banda….
“…Joanin a une idée : depuis quelques temps, la télé diffuse une pub dans laquelle une petite fille toute nue traverse la pièce, un rouleau de PQ à la main… Aussitôt dit, aussitôt fait, nous traversons la halle comme dans la pub et jouons Tout ça ne vaut pas l’amour en tenue d’Adam… Scandale ! Nous sommes déclassés et ne recevrons que le 2e prix, qui sera placardé au Café Le Bellevue, notre résidence habituelle de fin de soirée…”
FACE A
- La Diana
- Viva Espana
- Lapitxuli
- Desde Santurce a Bilbao
- Valencia
- Haoura
- La petite tonkinoise
- Lapitxuli
- Tout ça n’vaut pas l’amour
- Kinkiri Kunkuru
- A la Kinkiri
- Adelita
- Viva Espana
- Le beau Danube bleu
- Cancion arrantzale
- Valencia
FACE B
- Lapitxuli
- Brazil
- Lapitxuli
- Viva Espana
- Andando
- Plaisir des bois
- Kiko
- La Molinera El Gato Montes
- Viva Espana “Condom en folie”
Outre la Fanfar’ Boclou, nous retrouvons dans ce disque un certain nombre de bandas, peñas et fanfares :
La Zarpaî Banda d’Hendaye, Les Dauphins de Bayonne, La Peña Pascaluna, Los Palacion d’Oloron, Les Genêts d’Anglet, Los Cumbancheros de Mont-de-Marsan, La Fanfare de Grünberg (D), Les Jeunes Basques d’Hasparren, Los Valencianos de Valence-sur-Baïse, Los Arsouillos d’Aire-sur-l’Adour, Les Pingouins de Condom-en-Armagnac.
On pourra entendre trois morceaux dans ce disque joués par Boclou : La Tonkinoise, Tout ça n’vaut pas l’amour et Lapitxuli.
D’après Richard TISSINIER, cette fanfare était composée de :
Trompettes : Susin “Bobo” BORÉAL, “Luki” Tran VAN LUC, Pierre DOUMENA, Victor “Fanfan” FANJUL, Alfred CANILLAC (Conservatoire de Toulouse),
Saxophones : René “Cadix” BELLOUIS, Bastien “Guilledou” GUITOUNE, Duprat (Conservatoire de Toulouse),
Jazzoflûte : “Joanin” (Bizarts de Collioure),
Trombone : Pierre “Bijou” MORIN, Richard “Ricky” TISSINIER, Bernard “Nanard” LAVOLTE, Jean Pierre MATHIEU (Conservatoire de Toulouse),
Basses : Christiano “Dido” DOMENICO, Philippe “Toulouse” BOUSQUET, Yves GUITET, Patrice “Teuteu” TEULIÈRE, Jean “La Mousse” MOUSSION,
Souba : Gérard “Gégène” GERVOIS, Hélicon: “PCM” Baron (PCM pour plumes chiffons métaux !!),
Caisse claire : Alain “Chabada” CASTAINGS, Raymond “Fripou” POUTTRI,
Grosse Caisse : Michèle “La Grande Piche” TISSINIER.
avec “Dido” Domenico (basse), “Tarta” Tartaves (clarinette), “Ladupe” Duperron (trombone), “Lautrec” Piaulau (grosse caisse)
Le disque sort donc en 1972, chez JUNQUE-OC sous la référence 33.122, c’est un microsillon de 30cm, 33 tours et porte le titre de « 2ème Festival International de Bandas y Peñas de Condom-en-Armagnac ».
Ce disque n’a jamais été réédité.
Nous vous laissons ci-après l’opportunité d’écouter sur ce lien les morceaux joués par la Fanfar’ Boclou :
Notes et références
- Pour les plus jeunes qui ne connaissent pas le Teppaz, celui-ci est un tourne-disque (ancien nom de la platine !) transportable sous la forme d'une valise apparu à la fin des années 50 et très en vogue dans les soirées ("surprise-party", autrement dit : teuf) entre amis des années 60. (Voir ci-contre.)
- En 1957, Georges PERRON, le très populaire fondateur des « Cadetous de la Flahuto » anime des jeux dans l’émission hebdomadaire « 0 moun païs !», dirigée par Charles MOULY sur la scène du Grand Café des Américains – Voir disque publicitaire Esso https://youtu.be/Xe4JHiZdlGM
- "Per vitem ad vitam", ce que tous les latinistes présents ici auront bien entendu traduit "La vigne pour la vie"
- Historique de la Fanfar'Boclou, tel qu'il m'a été présenté par Richard TISSINIER :
1966 Débuts de la fanfare Boclou
1968 Premières vacances de la fanfare. Le noyau dur s’installe au Racou, à 2 km de Collioure, elle y reviendra tous les ans au mois d’août.
1969 Rencontre avec la fanfare de Clermont-Ferrand à Collioure.
1970 Jumelage avec la fanfare de Clermont-Ferrand à Clermont.
1971 Première grosse virée au carnaval d’Albi.
1972 Deuxième virée au carnaval d’Albi.
1972 Festival des bandas à Condom.
1972 Dernier bal des Bo’zarts.
1973 Tournée de 15 jours en calèche en Corrèze.
1973 Congrès des archis à La Feuilleraie (Toulouse).
1974 Tournée avec le Boclou Circus et les Hot D’Oc, un groupe de New Orleans de Toulouse.
1976 Tournée du Bicentenaire de la Révolution américaine aux États-Unis. Grande parade à New York.
1977 Vernissage de l’exposition Georges RAILLART (journaliste photographe de La Dépêche, Toulouse) au Château d’eau de Toulouse.
1978 Grosse virée d’un mois en Turquie dans un hôtel à Bodrum.
1979 Plusieurs séjours au Club Méditerranée.
1983 Séjour d’un mois à Valbella, Club Med en Suisse.
1984 Séjour d’une semaine au festival de la BD aux Deux-Alpes.
1985 Animation de plusieurs bals les dimanches d’été à la guinguette au bord de l’Aude à Carcassonne.
1988 La fanfare Boclou s’étiole et une deuxième voit le jour aux Beaux-Arts, la Fanfare Abloc, qui continuera à se produire pendant 5 ans. Quelques éléments de cette fanfare viendront rejoindre Boclou.
1999 Jumelage avec WBK [voir disque et CD], formation finlandaise. Il s’ensuit une tournée mémorable jusqu’à la frontière russe. Festival Imaka.
2005 Suite aux diverses rencontres faites à Vic-Fézensac, la Mecque des fanfares, où la fanfare Boclou se produit chaque année depuis 30 ans, une nouvelle fanfare voit le jour : la fanfare de Bôjours. Elle rassemble des éléments des Bizzar’s de Collioure, Marie Koska de Bayonne et Boclou et se réunit deux à trois fois par an.
2017 Notre trompettiste, Dumortier (dit Marmotte) se réveille et relance la fanfare avec quelques anciens. Un nouveau répertoire se constitue dans le silence le plus absolu.
Quelques notes éclatent dans les bistros à quelques occasions ! - Ibid.
