Disque de la fanfare Madelain - 1957 : "Aux Assassins"

Publication Auteur
Décembre
2014
Pierre-Edouard CALONI
dit " Calo "

Ce disque sort simultanément avec Le Bal aux Beaux-Arts de Malaquais, avant selon certains, après selon d'autres... mais comme Petite Musique de Charrette, il sortait sur souscription.

Ce disque allait lui aussi faire date dans l'histoire des fanfares et son initiative revenait à deux élèves de l'école qui faisaient un numéro remarquable au cabaret Les Assassins situé au premier étage d'un immeuble au n°40 rue Jacob.

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Recto de la pochette du disque "Aux Assassins".

Dans son numéro 12 de "l'Amour du Bruit" en date de mai 2014, Louis-René Blaire fait la critique de ce disque :

« Aux Assassins, enregistré le 19 Octobre 1957 (Date figurant sur la pochette). Joyeux bordel enregistré en continu sous la houlette de nos amis Fernier et Polmard(1), cet enregistrement de leur tour de chant (reconstitué) donne une petite idée de ce que pouvait être l’ambiance quotidienne dans le cabaret “Aux Assassins” situé rue Jacob au début des années cinquante où nos deux compères sévissaient chaque soir en compagnie d’un autre loustic bien connu des fanfaristes pour sa virtuosité au colt 45, Lestang. On raconte que Polmard, dans son numéro, sautait chaque soir par la fenêtre du premier étage devant les spectateurs horrifiés, ignorant qu’il se réceptionnait sur l’enseigne métallique située juste en dessous pour réapparaître hilare quelques instants plus tard, jusqu’au jour où l’enseigne finit par céder... Il en fut quitte pour une jambe dans le plâtre qui fut vite couverte de dédicaces de ses admirateurs.

Alain Lemetais raconte : « enregistré en 60 ou 61(2) dans un studio situé en haut de l’avenue de Versailles — celui où nous avions enregistré Le Pompier et le P’tit Quinquin pour l’ordre des architectes du Nord, congrès de juin 68, annulé — Une vingtaine de braillards et gouailleuses autour de Fernier et Polmard, bien sûr, entourés d’habitués du restaurant, un accordéoniste, peut-être un flûtiste et une petite formation recrutée au Balto par Lestang à l’apéritif. Je faisais effectivement partie du lot avec, je pense, Callot, Leprince, Penchet et un ou deux autres. Pas de répétition, Un simple canevas avec des titres et allons-y... »

Ce disque est une pièce de musée très difficile à trouver de nos jours... »

Rencontré, afin de parler de la discographie de Callot, Lemetais me disait à propos des Assassins: "Ce disque a été enregistré un soir sans répétitions préalables. Un coup de fil la veille au Balto demandait une fanfare...".

En complément de la description de Blaire, voici ce que Lharidelle précise dans son Histoire Edifiante et véridique de la grande fanfare Malaquais :

« ...Au programme, des chansons de l'Ecole, comme Trianon ou Le Fils Père, et surtout un extraordinaire duo sur le Numéro 13 à Paris entre la belle Ninon (Paulmard) et son petit cousin Gaston, venu pour lui rendre visite (Fernier). A la fin , une dispute idiote éclatait entre les duettistes, et la pauvre Ninon, cueillie par une torgnole en pleine poire, basculait à le renverse par la fenêtre dans le vide, et se retrouvait à demi morte sur le pavé de la cour. Les clients se précipitaient à la fenêtre, horrifiés, tandis que Fernier ramenait l'agonisante dans ses bras puissants. Laquelle, bien sûr, n'avait rien, s'étant rétablie avec agilité à une sorte de potence, tout contre la fenêtre, avant de se laisser choir en souplesse sur le sol...

Le malheur voulut qu'à force d'être sollicitée de la sorte, la potence qui n'avait été conçue que pour soutenir le poids d'une simple enseigne, finit par se desceller peu à peu, et qu'un beau soir, ce fut une Ninon en très mauvais état qui se retrouva à gigoter sur le pavé...

L'enregistrement se fit avec un nombre réduit de musiciens, piano, accordéon, guitare plus un petir nombre de cuivres de la fanfare Madelain dont le tout jeune Yves Poinsot cornet et tuba (le futur Octave Callot) et Alain Lemetais, trompette. Le disque un succès mérité, compte tenu de l'esprit des différentes interprétations, et du talent des deux chateurs. A ce propos, il ne fait pas de doute que s'il l'avait voulu, Fernier eût pu faire carrière dans la chanson, mais on ne sait pas trop pourquoi, il s'entêta dans la voie aride de l'architecture... »

Le disque sort donc en 1957 sous le label BACCHUS n° 5, c’est un microsillon de 30cm, 33 tours et porte le titre de « Aux Assassins ».

On vit aussi apparaître, bien des années plus tard une réédition, faite par on ne sut jamais qui, et sans que les moindres droit, bien sûr, aient jamais été versés aux artistes.

FACE A FACE B
  1. Ouverture - La romance du 14 juillet
  2. Du bois mort - Jules, le fils père
  3. Le n°13 à Paris
  4. La truite - Du bois mort - A Trianon
  5. Du bois mort - La fanfare de Bagnolet
  1. Dudule - Jojo le beau mâle
  2. La terre jaune - Du bois mort
  3. La tôle
  4. A la porte du couvent
  5. Charrette au cul (Pot pourri) : L'Eléphant - St Eloi, Ma pièce la plus ronde, Dans les bois de Meudon, Fous-la au lit, Arrêtez cocher, La mer de Chine, Le mont Sinaï, Tous les dimanches, N'insultez pas les filles, Ah laissez-moi monsieur, Le lendemain elle était souriante, A la Bastille
  6. Le Pompier

D'après Alain Lemetais, les participants étaient :
Trompettes / Cornets : Alain Lemetais (Mittag), Claude Lefolcalvez, Pierre Romain (Mirza), Yves Poinsot (Octave Callot)
Basse : Jean Guy, Bernard Lallemand, André Crespel
Contrebasse : Maurice Empi
Grosse Caisse : Guy Martin (le Ptit Maigre)
Caisse Claire : F.Cordier
Batterie : Raymond Roussel (Le Tout P'tit)
Triangle : J.P.Humbaire (Léon)
Chant : Arsène Fernier, Jean-Pierre Paulmar, Jean-Claude Lestang, Paterson

La pochette, dessinée par Paulmard, ne reprend pas la maquette des autres disques Bacchus de cette série (voir plus loin). Sans doute, a-t-il été plus facile de demander à des étudiants des Beaux-Arts qu'à des carabins, de réaliser une maquette de pochette. Elle porte bien sûr la mention: "Disque interdit aux mineurs, audition interdite en public". En revanche, on ne retrouve pas la mention: "Poison" !

Au verso de la pochette, ce texte illustré ci-dessous :

« Aux Assassins,

petite suite gaillarde, dite "Française", chouette et assassine, en forme de merveilleux et de fornication, pour braguettes à coulisse et pacholes(3) à percussion (33 1/3 T.M). Enregistrée, contre leur gré, le 19 octobre 57, par la Fanfare Madelain, des Zartisses, et les meilleurs coureurs de dot et autres baisenvrac du 6è. Toute ressemblance vocale avec des chanteurs connus et admirés, ne serait que pure coïncidence.

Ce folklore musical, qu'aucune province, autre que la communauté réduite aux aguets des rapins et des poussecacas ne réclame, n'évoque-t-il pas, entonné à la gloire de l'universel érotisme, ceux-là même qui entrent dans la vie, comme dans une femme, une main dans la braguette de l'Ancien, et l'autre tendue à l'avant-garde de la Civilisation ?

Assassins des conventions et des miroirs à alouettes, bravo ! »

Anonyme 20è S.

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Verso de la pochette du disque « Aux Assassins ».

Bacchus s'est fait une spécialité de la production de disques de paillardes estudiantines. Celui-ci, numéro 5 d'une série de 6 disques, est le seul qui ne soit pas issu du milieu carabin. Ces disques étaient vendus sur souscription. Pour la petite histoire, cette série comprenait :

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N°1 : "Concerto Grosso" Chœurs des Carabins, Potards et Autres.


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N°2 : "Récital" Chœurs du Metropolitain Hopital.


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N°3 : "Tonus" Les Carabins harmonistes et le Patron.


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N°4 : "Quartier Latin" .


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N°6 : "A pied, à cheval et en salle de garde".

Pour en revenir aux Assassins, ce disque qui sortait sous le nom de la fanfare Madelain, du nom de l'atelier, n'était donc pas un disque de fanfare à proprement parlé mais laissait entrevoir l'arrivée officielle de la Fanfare Octave Callot. En effet, le nom de la fanfare "Octave Callot" apparait en 1956 au cours d'une émission de télévision enregistrée rue Jacques Callot sous la production de Jean Thévenot. Cette émission faisait un portrait du fondateur de la fanfare. Yves Poinsot se retrouva baptisé Octave Callot, Callot comme la rue bien sûr, Octave prénom musical sans doute trouvé à table autour d'un verre par les réalisateurs de l'émission.

C'est d'ailleurs en 1957, année riche en disque de fanfare, qu'apparait la première fois le nom d'Octave Callot sur un sillon. Nous en parlerons le mois prochain.

Pour écouter ce disque, rendez vous sur ce lien.

Notes

(1) Arsène Fernier que l'on retrouvera régulièrement dans l'ensemble des disques chantés des fanfares Malaquais et Callot. Jean-Pierre Paulmard, élève peintre. (retour)

(2) Alain Lemetais faisait là une erreur de date. (retour)

(3) Pour ceux qui comme moi ne connaissent pas l'argot provençal, la pachole est le sexe féminin. (retour)