Disque de la fanfare Léon Malaquais - 1953
Petite musique de charrette | Petite charrette de musique

Publication Auteur
Octobre
2014
Pierre-Edouard CALONI
dit " Calo "

Avec ce troisième « disque du mois », nous rentrons vraiment dans le vif du sujet. Il s’agit sans aucun doute du premier disque de la Fanfare des Beaux-Arts (d’une fanfare d’atelier d’architecture).

Nous sommes en 1953 dans l’Atelier Beaudoin où fut créée la Fanfare Léon Malaquais. S'il n'est pas l'objet de cette rubrique de raconter l'histoire de La Fanfare des Beaux-Arts, notons tout de même que cette merveilleuse fanfare n'était pas la première. Rendons à Orphée ce qui appartient à Madelain, atelier dans lequel fut fondée la première fanfare en 1947, notamment par André Roux. Cela dit, ce dernier reconnait qu'il avait entendu auparavant trois élèves de l'atelier Expert, l'un en maillot rayé et chapeau melon jouer (« ils étaient ridicules, mauvais... ») lors d'une conférence de Richard Neutra, ce qui lui donna l'idée et l'envie de monter une fanfare. La fanfare de l'atelier Madelain deviendra vers 1954, avec la nouvelle génération de l'atelier, la Fanfare Octave Callot. Après, c'est toute l'Histoire...

La Fanfare Léon Malaquais est sans doute la plus marquante de notre histoire et on lui doit aussi ce qui fera pendant bien des années le principe des noms des fanfares. Dans "L'Amour du Bruit" n°6, Pierre Mâchon (Pierre Venencie) raconte : « Nous avons pris le nom de fanfare Léon Malaquais, du nom du quai, adresse de l’école et du prénom du garçon de café de notre bistro préféré ». Des années plus tard, les fanfares continueront à prendre pour nom celui de la rue de l'atelier le précédant d'un prénom choisi au gré de leur rencontre, soirées de bistrot ou toute bonne raison aussi absurde l'une que l'autre.

Ce premier disque est né à l'atelier, comme souvent en partant d'une idée saugrenue comme le raconte Pierre Mâchon :

« Pour conserver un souvenir de cette joyeuse époque que nous ne pensions pas éternelle, l’un d’entre nous (peut-être Mâchavoine), qui avait un ami dans les métiers du disque, organisa une séance d’enregistrement. Je me souviens toujours de cette séance, lorsque nous nous sommes trouvés dans le studio. Alors que nous étions habitués à jouer spontanément dans un joyeux chahut, il fallait là, faire le silence, guetter la lumière verte qui allait nous donner le signal du départ. Nous étions complètement contractés, figés, et notre premier essai fut catastrophique. Le responsable comprit notre blocage et envoya un coursier chercher une caisse de vin. Bientôt notre trac disparut, les lumières rouge et verte perdirent de leur importance, la spontanéité réapparut, et enfin, l’ambiance revenue, l’enregistrement fut convenable. Ce disque, "petite musique de charrette" au recto et "petite charrette de musique" au verso, que nous avions tiré à faible nombre d’exemplaires, pour nous et quelques amis, fut si rapidement épuisé, qu’il nous fallut faire un second tirage pour satisfaire la demande. »

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Couverture de la jaquette du disque Petite Musique de Charrette.

Ainsi donc ce disque, financé par une souscription. a été pressé à 500 exemplaires, un premier tirage de 250 exemplaires épuisés le premier soir, il est dit qu’ils ont été vendus en moins de trois heures, tirage suivi dans le mois suivant d’un deuxième de 250 exemplaires.

Le disque sort sous le label VOXIGRAVE n° V6484, c’est un microsillon de 25cm, 33 tours. Il porte le double titre de « Petite musique de charrette – petite charrette de musique ». Soyons précis, la face A est en fait « Petite musique de charette » et porte la référence V 854, la face B « Petite charette de musique » porte la référence V855. Dans ce disque, la fanfare porte le nom de LEON MALAQUAIS AND HIS ORCHESTRA. Il faudra un jour que je demande aux malaquais dont la mémoire est intacte la raison de ce nom américanisé qui ne réapparaitra pas ensuite. Effet de mode, sans doute. D'ailleurs, à propos de mémoire, les Malaquais interrogés ne sont plus bien certains si ce disque est sorti en 1953 ou 1954 !

La pochette présente en face principale une photo d’un biniou dans un état digne des fanfares de l’époque avec en filigrane le profil d'Eugène Beaudoin (information due à Blaire) avec les deux titres se faisant face. La deuxième face de la pochette est illustrée d’un dessin de Barincou représentant les fanfarons de Malaquais en chapeau melon ou canotier, vêtus de la marinière qui deviendra pendant plus de trente ans la tenue de la Fanfare des Beaux-Arts (bien avant qu’elle ne devienne le symbole de certain ministre...).

FACE A (V 854) FACE B (V 855)
El paso-doble
La valse des patineurs
Les roses
A media luz
Le corso blanc
Das Länder
La Matchiche
Jean-Gilles
Sous l’Aigle double
Sous les ponts de Paris
La valse du 14 juillet
Tzéna-Tzéna
T’as qu’a « ra boum die »
La petite Marie Ein Stänchen
Caroline
Marguerite

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Dos de la jaquette du disque Petite Musique de Charrette.

Ont participé à ce disque :
Trompettes : Gilles Thin (Gaston Trifloquet), Bernard Louyot (Gaëtan Lafleur), Michel Dougnac, Dussart
Cornet : Alain Villeminot (Adrien Lharidelle), Pierre Soulez-Larivière (Blaise Mac Hulot), Pierre Venencie (Mâchon), Philippe Manot (Mon Noeud )
Trombone : Jean-François Leleu (Yapakloss Kikouliss), Michel Vincent (Léon Malaquais)
Clarinette : Paul Diaz (Ali ben Diaz)
Basse : Michel Vincent (Léon Malaquais, Geleff, Pierre Venencie (Mâchon), Gérard Basso (Cuicui)
Helicon : Jean Tribel (Honoré Boudu), Jean Mereau
Jazzoflûte : Michel Fourtané (Laridelle Ainé)
Grosse Caisse : Georges Loiseau (Alexandre Machavoine), Robert Csali (Père Mathieu)
Batterie sur certains morceaux : Claude Marty
Impressario... : Michel Day (Onésime Huchepot)

Dans « L'Amour du Bruit » n°11, Louis-René Blaire (Honoré Champion), se livre à une intéressante critique musicale du disque, critique que je me permets de reproduire ici :

« Que penser de ce microsillon, 25cm, 33T, presque soixante ans après ? Je l’avais découvert après le N° 2, "Bal aux Beaux-Arts". Malgré mes réticences à ma première écoute, vers 58 ou 59, je dois dire que je pense le plus grand bien de ce monument, avec ses défauts, ses hésitations, ses approximations, ses loupés. C’est un instantané très fidèle de ce qu’était une bonne fanfare, la fanfare la plus importante et la plus célèbre de l’Ecole, à cette époque. Quelques loupés, ce qui après tout, n’est pas anormal de la part d’une formation qui n’a pas derrière elle une très longue existence (3 ans environ). En particulier sur les valses à 3/4 au tempo trop lent comme les «Ponts de Paris», assez désastreux, ou sur cet interminable tango "A media Luz". Par contre, quelques bijoux qui valent le détour et annoncent clairement les ambitions de la fanfare : El Paso-Doble, La petite Marie, Sous l’aigle double, T’as qu’à raboum dié, ou Caroline-Marguerite, et même un Corso blanc de belle facture, tiré énergiquement par les trompettistes vedettes Trifloquet et Lharidelle, véritables locomotives de la formation. Il sera intéressant de faire la comparaison de certains des morceaux (Jean-Gilles, l’Aigle Double, T’as qu’à raboum, Caroline Marguerite), avec les mêmes thèmes, également enregistrés dans le disque suivant "Bal aux Beaux-Arts". Ces tubes, déjà bien présents dans ce 25 cm, vont subir un lifting au kérosène dans le suivant, témoignant des progrès et de la vitalité de cette formidable fanfare... »

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Articles de journaux sur la sortie du disque.

Merci aux intervenants de « l’Amour du Bruit », notamment Mâchon et Honoré Champion pour leur aimable autorisation involontaire d’utiliser leurs propos et la copie des articles de presse ci-dessus.

Vous pourrez écouter ce disque en vous rendant sur ce lien.

Le mois prochain, nous parlerons du premier disque que Lèon Malaquais enregistra avec Pathé-Marconi, celui que tous pensent être le premier disque, le « Petite musique de Charette » ayant été plutôt confidentiel, un disque qui sera le point de départ d'une longue série.