Enregistrement du Pompier par le Choeur de l'Atelier Pierre ANDRÉ - 1931

Publication Auteur
Avril
2014
Pierre-Edouard CALONI
dit " Calo "

Cet article a été mis à jour le 17 décembre 2016.

Le premier disque présenté ici n'est pas a proprement parlé un disque de la Fanfare des Beaux-arts qui n'existait pas encore, mais un premier enregistrement fait au sein d'un atelier de l'Ecole.

Lors de la parution de cette rubrique, j'avais écrit : " C'est aujourd'hui le premier disque dont on ait trouvé la trace, grâce au Bulletin de la Grande Masse (merci Mannix...), un disque introuvable et le seul de la discographie pour lequel on ait aucune illustration. Si un lecteur de cette lettre l'a vu ou le possède, il serait sympathique de nous faire signe."

Je peux vous dire que j'avais même quelques doutes sur l'existence réelle de ce disque. Je l'ai, depuis, trouvé ! Au hasard, sur l'internet, alors que je recherchais d'éventuelles versions du Pompier chantée en dehors de l'Ecole.

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Extrait du bulletin de la Grande Masse de février 1931.

Nous sommes en 1931 et l'industrie phonographique n'est pas celle qu'elle deviendra après guerre. Le disque est encore en "cire", il est lourd et tourne à la vitesse de 78 tours par minute. Il n'existe pas vraiment de pochette illustrée et seul le macaron central identifie la nature du disque.

L'annonce du Bulletin de la Grande Masse prévoit pour les souscripteurs l'envoi avec le disque des paroles du Pompier "avec couverture illustrée"; j'ai, depuis, retrouvé cette couverture illustrée présentée plus bas.

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Pochette Columbia.

Ce disque a été enregistré au sein de l'Atelier P. André / Patouillard-Demorianne. Cet atelier est un atelier dit "intérieur" ou "officiel", Les locaux sont dans l'ENSBA au 17 quai Malaquais. Pierre ANDRÉ (1860-1930) a été chef d'atelier de 1919 à 1930. René PATOUILLARD-DEMORIANE (1867-1957) lui succède et sera chef d'atelier de janvier 1931 à 1952.

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Macaron du disque - Face Pompier

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Macaron du disque - Face La femme du Roulier

Il est enregistré par la "Chorale de l'Atelier P.André / Patouillard-Demorianne" qui était dirigée pour l'occasion par M.Chailleux dit "Cecel". Les noms des participants autres que Chailleux nous sont inconnus. L'orchestre qui accompagne la chorale est dirigé par Armand Bernard, connu comme acteur d'abord puis comme chef d'orchestre et compositeur. Il a participé dans les années 30 à bon nombre de musiques de film de René Clair, Julien Duvivier, René Guissart, Yves Mirande.

Ce disque sort sous le label COLUMBIA, grande marque de disque à l'époque, ce qui parait exceptionnel pour un tel enregistrement. L'annonce du Bulletin de la Grande Masse de mars 1931 montre à quel point cela parait improbable :

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Extrait du bulletin de la Grande Masse de mars 1931.

On trouve sur ce 78T un morceau par face. La face 1 reprend bien évidemment "le Pompier" dont on aura pas l'outrecuidance de rappeler ici l'histoire et les paroles. Cette version est harmonisée et arrangée par Pierre Berri qui m'est inconnu et dont je n'ai pas retrouvé la trace. Nous connaissons tous la version harmonisée et arrangée par Jeanne Leleu en 1925(1). Celle-ci est donc différente. De même, les puristes, adeptes d'harmonie et de mesures, remarqueront que cette version est fidèle à toutes les partitions connues : elle n'a pas encore souffert des déformations dues à la tradition orale qui ont eu lieu ensuite, dont cette fameuse faute de mesure qui saute un temps entre « presque, un guerrier » et « ça leur donne des airs vainqueurs ».

Si la chanson originale comprend cinq couplets, la version chantée ici est quelque peu tronquée et ne comprend que trois couplets. Le premier et le deuxième correspondent à peu de choses près à notre version bien connue(1), le troisième reprend les quatre premiers vers du troisième couplet mais enchaine directement sur les quatre derniers du cinquième couplet ce qui nous donne :

« On sait que chacun sur la terre
A son faible ou sa passion
Le pompier qu'est un militaire
Est fier de sa position.
Il porte un casque sur la nuque
C'est pas pour faire des embarras
C'est pour garantir sa perruque
Quand bien même il n'en aurait pas. »
En revanche, le chant finit classiquement avec le traditionnel « la la lalalala, la la lalalala... »

Comme l'indique la Grande Masse dans son bulletin de février 1931, "...il est joint au disque "le Pompier", édité par Sam-Fox, en grand format avec couverture illustré." Nous avons retrouvé cette partition(2) :


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Première de couverture de la partition du Pompier.

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Dernière de couverture de la partition du Pompier.



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Double page de partition du Pompier.



On notera que l'enregistrement ne suit pas exactement le déroulé de la partition. Ainsi, l'ordre n'est pas le même et la chorale chante les couplets dans l'ordre suivant : 2, 4 (ce qui est logique par rapport à ce qui est toujours chanté à l'Ecole) et 1 (avec les modifications dont nous avons parlé ci-dessus).

Par ailleurs, cette partition de 1931 indique clairement que Le Pompier est "L'hymne Officiel de l'Ecole Nationale des Beaux-Arts" !







Sur la face 2 est enregistrée "La femme du Roulier". Cette chanson fait partie du répertoire des chansons réalistes, une chanson à texte (!) sur les malheurs de la femme trompée d'un roulier ( le roulier étant au 19ème siècle un voiturier transportant des marchandises, aujourd'hui un chauffeur-routier). Je vous joints les paroles de cette bien triste et banale histoire......(les paroles ci-dessous sont celles retranscrites depuis le disque, elles sont différentes de la version de 1939 de Marie Dubas qui les avait transformées ainsi que de celles du Grand Paillardier de la Grande Masse).

La Femme du Roulier


Il est minuit, La femme du roulier
S'en va de porte en porte, de taverne en taverne,
Pour chercher son mari,
Tireli,
Avec une lanterne !

Charmante hôtesse, avez-vous vu mon mari ?
Elle lui répondit, il est dans la soupente
En train de tirer son coup
Tirelou
Avec notre servante !

Cochon d'ivrogne ! Pilier de cabaret,
pilier de cabaret, tu t'soules et fais ripaille
Pendant que tes enfants
Tirelan
Sont couchés sur la paille !

Ta gueule, ma femme, ta gueule, tu m'fais chier,
Dans la bonne société, est-ce ainsi qu'on se comporte ?
J'te fous mon pied dans l'cul
Tirelu,
Si tu n'prends pas la porte !

Ah mes enfants, mes chers petits enfants !
Plaignez votre maman, vous n'avez plus de père
je l'ai trouvé couché
Tirelé
Avec une autre mère !

Il a bien fait, répondirent les enfants
Il a bien fait d'coucher avec la femme qu'il aime,
Et quand nous serons grands
Tirelan,
Nous en ferons tous de même !

Cochons d'enfants, sacrés cochons d'enfants !
S'écria tout à coup la bonne mère en colère.
Vous serez tous cocus,
Tirelu,
Comme le fut votre père !


Le disque sort donc en 1931 sous le label COLUMBIA DF478, n°L2891/92 , c’est un microsillon de 25cm, 78.

Nous parlerons le mois prochain d'un autre 78T, enregistré en 1954.

Vous pourrez écouter ce disque sur ce lien.



Notes

(1) Voir l'excellent article de notre ami Christophe "Mannix" Samoyault-Müller. (retour)

(2) Merci à M. Pierre VILLARD, lecteur de cette rubrique qui nous a écrit après avoir retrouvé cette partition dans son grenier. Elle appartenait à sa grand-mère qui avait été élève aux Beaux-Arts. (retour)