Publication | Auteur |
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Septembre 2014 |
Christophe SAMOYAULT - MULLER dit " Mannix " |
Archiviste |
- Charrette nf (sens architecture)
Activité intense de travail précédant le rendu d’une tâche, activité elle-même intégrée dans une période de temps limitée.
- Être charrette (par extension)
Se dit d’une personne écrasée de travail pressé.
Dans le vocabulaire courant, le mot « charrette » ou encore l’expression « être charrette » sont aujourd’hui fréquemment employés par Monsieur et Madame Tout-le-Monde.
Toutefois beaucoup ignorent, même parmi les architectes, l’origine de ces termes que l’on peut situer après 1830, date de l’installation effective de l’École des Beaux-Arts(1) au 14 Rue Bonaparte.
Concernant la section d’Architecture de l’École des Beaux-Arts, il y a lieu de distinguer deux catégories d’ateliers : les ateliers dits « officiels ou intérieurs » et les ateliers dits « libres ou extérieurs ».
Les élèves architectes de ces deux catégories d’ateliers sont tous affiliés pédagogiquement à l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts ; ils y suivent les mêmes cours théoriques et participent aux mêmes rendus de projets ou concours dont le jugement est effectué par un jury réuni à huis clos dans la salle Melpomène (la « Melpo ») située à l’intérieur de l’Ecole.
Ainsi le jour du rendu, immuablement fixé le vendredi à 12h, dernier carat, les élèves des ateliers extérieurs apportaient à l’École leurs projets de grandes dimensions collés sur des châssis (ou panais) dans de petites voitures à bras, les charrettes, tirées et poussées par les nouveaux (ou « nouvôs ») de l’atelier. Ces charrettes qui servaient habituellement pour des livraisons de bois et de charbon étaient louées dans la matinée chez le Bougnat généralement le plus proche de l’atelier.
Depuis les ateliers, c’est au galop que les nouveaux dans les rues braillant « Charrette au cul ! » acheminaient ainsi les charrettes, passaient la grille d’entrée du 14 Rue Bonaparte et finissaient devant l’arcade située entre le musée des Moulages de la Renaissance et la salle Ingres qui conduit à la cour du Mûrier. A cet endroit-là, les châssis étaient déchargés et emportés à bras jusque devant la porte d’entrée de la salle Melpomène où attendait le gardien de service chargé de vérifier que le projet était au complet puis, si tel était le cas, le projet était enregistré à l’intérieur de la salle par le surveillant chef des architectes.
1889 | Gravure d’Alexis LEMAISTRE | Atelier officiel de Peinture BONNAT.(2)
1889 | Enregistrement des projets aux pieds de la statue de Melpomène / Gravure d’Alexis LEMAISTRE (Atelier officiel de Peinture BONNAT)(2).
Bulletin de la Grande Masse du 16 novembre 1939 destiné aux élèves mobilisés.
Couverture représentant le dessin d’un fantassin se reposant et songeant à l’École des Beaux-Arts, ses charrettes et son Bal des Quat’Z’Arts(3).
Il est a noté qu’à cette période-là, le siège de la Grande Masse ne se trouve plus au 1 Rue Jacques Callot mais à l’Ecole des Beaux-Arts, côté 17 Quai Malaquais. L’explication est donnée dans le bulletin par Albert RÉMY (1915-1967 | Atelier officiel de Peinture SABATTÉ), Grand Massier des Peintres et directeur par intérim du bulletin :
« Mais il faut que je vous éclaire (de lune) sur les raisons de ce changement d’adresse. Notre cher Directeur, M. LANDOWSKI, devant l’inconfort que représentaient les bureaux de la Grande Masse, privés de leur chauffage, nous a offert avec la bonté et la sollicitude qui lui est coutumière, de transporter la Grande Masse dans l’atelier de femmes sculpteurs, à l’École même. Et là un grand poêle à la flamme pétillante nous réchauffe et les doigts et le cœur ».
1937 | Exposition des projets des élèves architectes dans la Melpomène.
Photographie de Jean CHEVALIER-MARESCQ (Atelier libre d’Architecture DEBAT-PONSAN).
Les projets arrivaient la plupart du temps toujours pressés, à la limite de l’horaire à ne pas dépasser, et c’est ainsi que les élèves ont adopté le mot pour désigner le branle-bas du rendu ; la charrette constituant la dernière phase d’un projet achevé après une nuit entière de labeur sans sommeil.
Si la « charrette », dans le sens où elle correspond à la dernière ligne droite de travail, est éprouvante physiquement, il demeure qu’elle constitue un formidable moment de cohésion entre les différents élèves d’un même atelier.
Avec 1968 et la disparition de la section d’Architecture à l’École des Beaux-Arts(4), le rituel des projets amenés en charrette à l’École des Beaux-Arts prendra fin.
Et après…, qu’en est-il des charrettes de rendu alors que successivement le rapidographe et enfin l’ordinateur ont remplacé le tire-ligne et le graphos ?
Certaines U.P.A. (puis après, par filiation, certaines Écoles d’Architecture), conservant un enseignement considéré « traditionnaliste » et continuant ainsi à axer les études d’Architecture sur le principe du projet en atelier et sur la confrontation des corrections entre élèves, fait encore qu’aujourd’hui la charrette est toujours redoutée, mais paradoxalement appréciée, est toujours d’actualité dans la vie de quelques étudiants en Architecture.
1990 | Equipe d’étudiants de l’atelier MAROT, Ecole d’Architecture de Paris-la-Seine, prêts à affronter une charrette de nuit de « Projet Long » qui les attend ! (sujet du Projet Long : Le logement social).
Dans le folklore étudiant de l’École des Beaux-Arts, la course du « Charett Club », qui consiste en une course de charrettes entre ateliers d’architecture, reste assez confidentielle dans la mesure où celle-ci ne fut disputée qu’à cinq reprises : en 1927, 1928, 1934, 1935 et 1936.
Les initiateurs de cette course sont deux dirigeants de l’Association Sportive de l’École des Beaux-Arts (A.S.B.A.), tous deux élèves de l’atelier libre d’architecture GODEFROY ; ce sont Jean GUINARD et Charles-Édouard AICHINGER dit « Ched » (1903-1928).
Fin 1926 GUINARD et AICHINGER créent le « Charett Club ». Le nom « Charett Club » reprend ainsi le nom de la première association sportive de l’Ecole des Beaux-Arts fondée en 1901 par quelques élèves dont Henri TAUZIN (1879-? | Atelier libre d’Architecture PASCAL), Émile MAIGROT (1880-1961 | Atelier officiel d’Architecture PAULIN), Louis AUBRY (1880- ? | Atelier libre d’Architecture LALOUX) et André BLANCHECOTTE (1880-1973 | Atelier libre d’Architecture LALOUX).
Jean GUINARD
« Nous formons une section de sport utilitaire qui reprendra le titre de « Charett Club ». Sport utilitaire en effet, car il n’échappe à aucun copain que le transport des châssis en charrette exige, de la part des nouveaux, des qualités de souffle et de vitesse, sans lesquelles l’envoi des Anciens risque d’arriver trop tard !
[….] Massiers ! Entrainez vos nouveaux et vous pourrez coller vos navets jusqu’à moins dix avec l’équipe championne de l’année, dans les brancards ».
Les grandes lignes du règlement de la course sont les suivantes :
La première course est fixée au dimanche 3 avril 1927 à l’issue de laquelle il est prévu que les ateliers groupés derrière leurs charrettes défilent au pas, par l’Opéra et la place Blanche jusqu’à Montmartre où ils seront reçus par la Commune libre du vieux Montmartre, place du Tertre, où sera servi un vin d’honneur au moment de la remise des prix.
Le décès prématuré de Charles-Édouard AICHINGER fin 1928, enlevé par une maladie foudroyante à 25 ans marquera un coup d’arrêt pour la course du « Charett Club » qui perdait son principal organisateur.
Il fallut attendre l’année 1934 pour revoir à nouveau la course du « Charett Club » dont l’organisation était reprise par la Grande Masse des Beaux-Arts et son comité des fêtes.
La course était ainsi inscrite en prélude de la 1ère semaine de l’École ponctuée par le Bal de l’École (ou Gala de la Grande Masse) qui se déroula le samedi 12 mai.
La course eut ainsi lieu le dimanche 6 mai 1934 à 10h30, précédée d’un concours de décoration.
Elle partait du bout de la rue d’Assas pour rejoindre la rue Bonaparte et l’École des Beaux-Arts en empruntant les rues Guynemer, Saint-Sulpice, Saint-Germain des Prés.
1934 | Article du Directeur du bulletin de la Grande Masse, André MALIZARD (1909- ?) | Atelier libre d’Architecture Expert.
1934 | Équipe de l’atelier DEFRASSE (JOHNSON / MIALON / LAGACHE) dans la cour Bonaparte de l’École des Beaux-Arts.
A nouveau la course était ainsi inscrite en prélude à la 2ème semaine de l’École ponctuée par le Bal du samedi 11 mai.
La course se déroula le dimanche 5 mai 1935 à 10h30.
1935 | Article du Directeur du bulletin de la Grande Masse, Jean-Pierre TROUCHAUD (1908- ?) | Atelier libre d’Architecture Expert.
1935 / Article du Président du Comité des fêtes de la Grande Masse, Marcel RENEVEY | Atelier libre d’Architecture HÉRAUD.
Précédant la 3ème semaine de l’École ponctuée par le Bal du samedi 13 juin 1936, la course eut lieu le dimanche 24 mai.
1936 | Article du Grand Massier des architectes, Jean IMBERT-FABE (1909- ?) | Atelier libre d’Architecture EXPERT
Lors de l’Assemblée Générale extraordinaire de la Grande Masse du vendredi 29 mai 1936, le Grand Massier Président, Pierre DUFAU (1908-1985 / Atelier libre d’Architecture HÉRAUD) regrettera le manque de participation et le manque d’intérêt portés par les élèves à cette manifestation de l’École.
En tout état de cause, ce sera la dernière course du « Charett Club » qui ne verra pas d’autre édition.
(1)
Jusqu’en 1968, l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts est divisée en trois sections, à savoir, Peinture, Sculpture et Architecture.
A la section de Peinture se rattachent la Gravure en taille-douce, la Gravure à l’eau-forte, la Gravure sur bois et la Lithographie. A la section de Sculpture, se rattache la Gravure en médailles et en pierres fines.
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(2)
Gravure du livre d’Alexis LEMAISTRE : L’Ecole des Beaux-Arts dessinée et racontée par un élève. Paris / Librairie Firmin-Didot 1889.
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(3)
Concernant le Bal des Quat’Z’Arts voir le site internet http://www.4zarts.org/.
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(4)
Le décret du 6 décembre 1968 initié par André MALRAUX, Ministre des Affaires culturelles, sépare la section Architecture de l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts (E.N.S.B.A.), procède à l’éclatement de celle-ci en fondant les Unités Pédagogiques d’Architecture (U.P.A.) – 13 en Province, 5 [puis 6 en janvier 1969, puis 8 fin juillet 1969 et enfin 9 en octobre 1975] à PARIS.
Ces Unités Pédagogiques fonctionnent comme des écoles, autonomes les unes vis-à-vis des autres.
Par la suite, les Unités Pédagogiques d’Architecture (U.P.A.) prendront le nom en 1986 d’École d’Architecture (E.A.) puis, enfin en 2005, le nom d’École Nationale Supérieure d’Architecture (E.N.S.A.).
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