“POUICK PARADE" - LES POUICK (Fanfare des Saints-Pères)
BARCLAY 920.071 - Microsillon 30cm, 33T - 1969

Publication Auteur
Mai 2020
Pierre-Edouard CALONI
dit " Calo "

Deuxième opus de la Fanfare des Saints-Pères, ce 33 tours marque certainement un tournant dans la "musicalité" des fanfares des Beaux-Arts, tournant dont le 45 tours était déjà l'annonciateur.

Et pourtant, ce disque n'aurait sans doute jamais pu voir le jour sans le hasard qui joua un rôle inimaginable dans cette rencontre entre les Saints-Pères et les productions Barclay. Jean-Pierre CECCALDI et Louis-Marie FLAMAND m'ont ainsi raconté cette histoire : nous sommes au début du mois de juin 1968, l'essence manque dans les stations-services et nombre de voitures ne peuvent rouler dans Paris faute de carburant ; les vélos réapparaissent en nombre et on voit fleurir l'auto stop même en ville. Moukles AL HARIRI RIFAÏ, grosse caisse et expert en relations publiques de la fanfare, qui habite Neuilly fait du stop Avenue de la Grande Armée. Une Rolls-Royce s'arrête (!) et prend le stoppeur qui va vers l'École. S'entame une conversation entre le conducteur et Hadj, ce dernier en venant à parler de ses études et de la fanfare, finissant par vanter les qualités des Saints-Pères. Au volant, le directeur artistique de Barclay ! Très vite, il se dit intéressé, n'ayant pas de fanfare au catalogue contrairement à Pathé-Marconi et... Vogue. De cette rencontre, naitra, quelques mois plus tard en février 1969, l'enregistrement de Pouick-Parade.


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Recto de la pochette.


La pochette reflète bien son époque tant dans sa typographie que dans son dessin. Celui-ci est dû à un certain Guiems qui d'après les quelques Saints-Pères rencontrés aurait été amené par Barclay. En voyant cette pochette et ses dessins, on ne peut pas ne pas penser aux illustrations de Yellow Submarine, film sorti en France en février 69(1).
Une chose frappe sur cette pochette : l'absence du nom de la Fanfare des Saints-Pères. En effet, Barclay ne pouvait afficher le nom d'un artiste en contrat avec une autre maison de disque, Vogue. Seule concession, le petit étendard avec le nom de Fanfare des Beaux-Arts.

Ainsi donc, pas question d'appeler cette fanfare par son nom, Fanfare des Saints-Pères. Il fallait bien trouver un nom et celui-ci vint à l'occasion d'une séance. Répètant Les Funérailles d'Antan, l'arrangement prévoyait que le saxophone soprano (Flamand) et la clarinette (Maunoury dit Jésus) produisent un son imitant le grincement d'une roue de charrette. Au bout d'un certain temps, Jésus se serait écrié : « J’en ai marre de faire pouick! ».
Le nom était trouvé, ce serait : Les Pouick.

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Verso de la pochette


Le verso est à l'image de ceux pratiqués par Barclay à l'époque, réservant une bonne part de la mise en page à d'autres disques de la maison.

Ce disque, de par son répertoire et ses interprétations, ouvre une nouvelle porte à la fanfare, associant de plus en plus les gags, le chant et le répertoire du jazz auquel peu de fanfare avait osé jusque-là se frotter. Si l'on regarde les morceaux de ce disque, on trouve donc des morceaux de jazz (Just a stomp at Twilight, Tiger Rag, Petite Fleur, Dans les rues d'Antibes), des chansons populaires françaises plus ou moins récentes (Le Tango des Fauvettes, La Demoiselle de Bas Etage, Les Côtelettes, J'attendrai, Mama Te Quiero, Dans un Bal Populaire), des marches (Cake Walk, Le Régiment de Sambre et Meuse), de l'opérette (Sombreros et mantilles).

Mais si on écoute ces morceaux de jazz, on est loin des orchestres de jazz de l'époque, recherchant avec plus ou moins de bonheur le son de la Nouvelle Orléans, on y trouve aucune concession au swing mais un découpage de gags sonores ou instrumentaux en lieu et place des chorus. En cela, on retrouve l'esprit de Spike Jones(2) avec la présence de toute forme d'instruments de percussions, de dévoiement de son d'instruments. Les chansons françaises sont revisitées aussi bien rythmiquement que dans l'histoire aussi bien racontée que chantée. Et, impossible de défiler sur Sambre et Meuse, le rythme passant de la marche au tango en passant par la valse.

Une grande part de bruitage est rapporté à l'enregistrement, enrichissant considérablement l'écoute.
De même, on note une part importante laissée au chant, un chant étudié et mis en scène. Près de la moitié du disque est chanté. On est loin des versions chantées rencontrées précédemment, plus apparentées à des chants d'atelier voire de bistrots. Ici, tout est arrangé.
Et puis, bien sûr, le son est considérablement appuyé par la présence des anches, saxophone soprano avec Flamand et clarinette avec Maunoury, mais ces instruments sont aussi prétexte à des sons aussi proches du bruitage que de la musique. Maunoury sous les surnoms de Jésus puis de Clovis en fera son métier.

Ce disque des Pouick marque la période de maturité, l’apogée des Saints-Pères. Certains musiciens qui en furent distinguent clairement les Saints -Pères des Pouick, d’autres moins. Pour Jésus, il s’agit des mêmes musiciens qui ont atteint un niveau professionnel. Surtout, c’est une fanfare qui affirme ses choix musicaux, le jazz, l’influence New Orleans. « C’est une musique pro, avec des arrangements de Cuquemelle, écrite, tout en gardant le côté farfelu de la fanfare. Si on avait survécu, aujourd’hui on serait dans le coup »." (Flamand)

L'enregistrement de ce disque leur vaudra l'honneur de participer à l'animation musicale de la pharaonique réception organisée à l'occasion du (re)mariage d'Eddy BARCLAY, rue Saint Benoit, dont les extrémités, rue Jacob et Boulevard Saint Germain, sont bloquées pour la circonstance. L'ensemble des artistes et des invités se bouscule sur l'opulent buffet pendant que Rhoda Scott joue (pieds nus) dans le chantier du futur cinéma Le Bonaparte. Le Petit Zinc et le Bilboquet resteront bondés toute la nuit. Une fête grandiose au cœur de Saint Germain des Prés, à deux pas de l'Ecole des Beaux-Arts, et cela, moins d'un an après mai 68.

FACE A FACE B
  • Just a stomp at Twilight
  • Le tango des fauvettes - chanté
  • Les funérailles d’antan - chanté
  • Cake walk
  • La demoiselle de bas étage - chanté
  • Tiger rag
  • Le régiment de Sambre et Meuse
  • Les côtelettes - chanté
  • Petite fleur
  • J’attendrai - Mama te quiero -Sombrero et mantilles
  • Dans un bal populaire - chanté
  • Dans les rues d’Antibes

D'après Louis-Marie FLAMAND, cette fanfare était composée :

Trompettes : Christian VILETTE, Jean-Marie MONNIER,
Sax soprano : Louis-Marie FLAMAND,
Clarinette : Gérard "Jésus" MAUNOURY,
Flûte : flutiste professionnel amené par Barclay,

Trombones : Jean-Loup RAOUX,
Trombones à pistons (en Mib) : Michel CUQUEMELLE,
Basses : Marcel LESCOAT, Gilles SOMMET, Gilles THOUVAY,
Banjo : Jean-Pierre CECCALDI,
Hélicon : Philippe "Fifi" BATICLE,

Caisse-claire : Miguel PUERTAS,
Grosse Caisse : Mouklès AL HARIRI RIFAÏ.

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Jésus, Louis-Marie FLAMAND caché et Jean-Pierre CECCALDI

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Philippe BATICLE , Jésus , Louis-Maris FLAMAND


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Chistian VILETTE

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Moukles AL HARIRI RIFAÏ

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Jean-Loup RAOUX


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Jean-Marie MONNIER

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Gérard "Jésus" MAUNOURY


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Jean-Pierre CECCALDI

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Gilles THOUVAY


Le disque sort donc en 1969, chez BARCLAY sous la référence 920, c’est un microsillon de 30cm, 33 tours et porte le titre de « Pouick Parade ».
Ce disque n'a jamais été réédité.

Nous vous laissons ci-après l'opportunité de l'écouter sur ce lien.

Parallèlement à la sortie du 33 tours, Barclay sortit un 45 tours single avec Just a Stomp a Twilight et La Demoiselle de bas Etage, disque destiné à la promotion (celui ci-dessous provient de la discothèque d'Europe 1). Les membres de la fanfare rencontrés lors de l'élaboration de cette rubrique (Flamand, Jesus, Vilette, Ceccaldi) n'en connaissaient pas l'existence.

Ce 45 tours porte la référence 61.145.

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Recto de pochette et macaron du 45 tours.

Notes :


(1) Yellow Submarine, chanson des Beatles de 1966, fut l'objet d'un dessin animé produit en 1968 et sorti en France en février 1969. (retour)



(2) Spike Jones est un musicien et acteur américain dont les spectacles orchestraux étaient une succession de gags. Pour ceux qui ne connaissent pas, vous en aurez un aperçu :

(retour)