« La fanfare des Saints-Pères des Beaux-Arts »
VOGUE EPL 8553 - Microsillon 17cm, 45T - 1967

Publication Auteur
Mai 2019
Pierre-Edouard CALONI
dit " Calo "

Nous avons jusqu'à présent entendu des disques de fanfares venant majoritairement d'ateliers constitués. Si Malaquais trouve ses racines chez Beaudoin, Callot chez Madelain, Honoré Champion chez Leconte, Otello chez Zavaroni ou encore Visconti chez Lamache, il est en est tout autre pour la Fanfare des Saints-Pères.

Avec les Saints-Pères, nous sommes pour la première fois, avec une fanfare résolument en dehors de l'atelier puisque nombre des membres de la fanfare sont issus d'ateliers divers aussi bien d'architectes que de peintres et de sculpteurs :

  • ateliers d’archi : Niermans (Christian VILETTE et ses acolytes) – Dengler, Lahalle, Marot-Leconte (Jean-Marie MONNIER), Camelot-Bodiansky (Louis-Marie FLAMAND qui joue dans la fanfare Bonaparte),
  • ateliers de peinture et de sculpture : Michel CUQUEMELLE (sculpteur), Dominique BLAISE (peintre), qui jouent tous deux également dans la fanfare Bonaparte, auxquels se sont ajoutés, à partir de 1967, et qui ne sont donc pas sur ce disque, Jean-Loup RAOUX (atelier d'archi Candilis) et Gérard MAUNOURY dit « Jésus », issu de l’École des Beaux-Arts du Mans, clarinettiste autodidacte.
L'histoire de cette fanfare nous est bien sûr racontée par Véronique FLANET dans son livre(1).
La fanfare se constitue à la fin de 1965 et prend son véritable essor en 1966. Elle tire son nom « de la rue des Saints - Pères, une rue proche de l'Ecole des Beaux-arts, dont le nom est encore disponible », dit Louis-Marie FLAMAND(2).


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Recto de la pochette.


La pochette est très classique, photographiant la fanfare dans une tenue très "école", avec maillot rayé, gilet noir et melon. Cette photo a été prise dans les studios VOGUE, rue d'Hauteville à PARIS 10ème (on note les matériaux d'insonorisation "en pointes de diamant" sur les murs).

On y retrouve :
Rangée supérieure : Louis-Marie FLAMAND sax soprano, Marcel LESCOAT basse (saxhorn), Jean-Pierre COLAS trombone à coulisse, Philippe BATICLE hélicon,
Rangée intermédiaire : Jean-Marie MONNIER, Robert OERLEMANS, Christian VILETTE, Dominique BLAISE, tous les 4 à la trompette, GUILLAUMAT (masqué) trombone à pistons, Michel ROHNER(3), trombone à pistons, Gilles SOMMET basse (saxhorn),
Rangée inférieure : Jean-Pierre CECCALDI(3), banjo, Mouklès AL HARIRI RIFAÏ grosse caisse, Miguel PUERTAS caisse claire, MARTIN trombone à coulisse.

La fanfare est plutôt atypique par rapport aux autres de l'école tant dans son fonctionnement que dans ses choix musicaux. Elle ne tourne pas avec les contrats de la Grande Masse mais est plutôt autonome dans ses recherches de contrat. Très vite, notamment grâce à Vogue, elle a son propre réseau, assez fertile pour les bourses de chacun, la fanfare fonctionnant en rétribuant chaque membre. Question répertoire, si elle ne quitte pas le répertoire classique, elle glisse très vite vers un répertoire porté par le jazz New-Orleans et la chanson française actuelle. De même, elle se singularise dans ses costumes. Avec, bien sûr comme bon nombre de fanfares de l'époque, le maillot de bain rayé 1900 avec melon ou canotier, le pantalon blanc avec gilet noir et chemise de couleur ou à fleurs, et surtout une tenue spécialement conçue pour eux par Pierre Cardin comprenant pull col roulé blanc sous un juste-au-corps sans manche en velours noir avec large col et ceinture marron, pantalon en velours noir et bottines noires. Une tenue plus proche du show-business que de l'Ecole des Beaux-Arts.

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Les Saints-Pères dans leur tenue Pierre CARDIN


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Les Saints-Pères pendant leur tournée d'été 1967 pour Michelin


1967 est une année clé pour les Saints-Pères. C'est l'année de leur premier disque officiel, mais avant cela, ils avaient eu l'occasion d'enregistrer chez Vogue à la demande de Christian FECHNER(4) en accompagnement d'un jeune chanteur sur une chanson de son 45 tours. Cette intervention enregistrée fera l'objet de la prochaine rubrique(5).

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Verso de le pochette, dessin de Philippe Baticle.


Le verso de la pochette est une présentation du disque et de la fanfare par Christian FECHNER.

Coté musique, Les Saints-Pères se démarquent en évitant le répertoire traditionnel et font dans l'actualité. Le premier morceau de la face A reprend la chanson gagnante de l'Eurovision de cette année 1967. Le pays gagnant était la Grande-Bretagne avec une chanson de Sandie SHAW "Puppet on a String".

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Différentes pochettes de Puppet on a String - 1967


Comme toute chanson lauréate à l'Eurovision, la diffusion est énorme et Sandie SHAW s'empresse d'en faire des versions pour toute l'Europe, en allemand (Wiedehopf im Mai), en italien (La Danza delle Note), en espagnol (Marionetas en la cuerda) et bien sûr une version française sous le nom de Un Tout Petit Pantin(6). C'est ce titre qui est repris par les Saints-Pères. L'arrangement de la fanfare est très proche de la version chantée avec une part très importante à la présence de l'hélicon, comme la basse dans la version originale, parti pris que que l'on retrouve sur l'ensemble des morceaux.

Sorti aussi en 1967 par le groupe anglais Herman's Hermits, No Milk Today est un morceau écrit par Graham GOULDMANN qui l'enregistrera lui-même en 1968. Le morceau qui fit connaitre Herman's Hermits (sorte de boy band surfant sur le succès des Beatles) en Europe eut de multiples reprises et traductions dont une en 1967 de Frank ALAMO sous le titre de "A travers les Carreaux"(7)...

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Différentes pochettes de No Milk Today - 1967


Comme pour le titre précédent, un arrangement proche de la chanson originale avec une curieuse intervention à l'orgue électrique, une concession à la modernité ?

Sur les Hauteurs de l'Himalaya semble avoir été écrit par Philippe BATICLE qui tient l'hélicon dans la fanfare.

Enfin, Je Chante Pour Moi est une chanson de Sullivan, un chanteur amené chez Vogue par Christian FECHNER et que les Saints-Pères accompagneront dans son 45T(5).

FACE A FACE B
  • Un tout petit pantin (Puppet on a string)
  • Sur les hauteurs de l’Himalaya
  • Non pas ce soir (No milk today)
  • Je chante pour moi

D'après Louis-Marie FLAMAND, cette fanfare était composée :

Trompettes : Christian VILETTE, Jean-Marie MONNIER, Robert OERLEMANS, Dominique BLAISE,
Sax soprano : Louis-Marie FLAMAND,

Trombones : Jean-Pierre COLAS, Jean-Pierre GUILLOMAT, Michel ROHNER, Martin,
Basses : Marcel LESCOAT, Gilles COMMET, Gilles THOUVAY, Vincent GUIMEZANES (ce dernier ne figure pas sur la pochette),
Banjo : Jean-Pierre CECCALDI,
Hélicon : Philippe BATICLE,

Caisse-claire : Miguel PUERTAS,
Grosse Caisse : Mouklès AL HARIRI RIFAÏ.

Pour la petite histoire, c'est aussi en 1967 que les Saints-Pères feront leur apparition sur la scène de l'Olympia. Les Charlots(8), qu'ils avaient rencontré chez Vogue, leur demandent d'accompagner l'une de leurs chansons, pendant un mois, à l’Olympia, du 15 mars au 15 avril 1967, en première partie du spectacle de Johnny HALLYDAY (avec Sylvie VARTAN, Carlos, Los Brutos dont fait partie Aldo MACCIONNE, un spectacle présenté par Jean-Marie PROSLIER).

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Laissez-passer pour le concert de Hallyday du 15 mars 1967


Jean SARRUS, l'un des Charlots, raconte dans ses mémoires :

"... - Un Olympia, ça se prépare, répète inlassablement notre entourage, comme si nous allions dormir jusqu'à la veille de la première. - Branle-bas le combat, il faut des idées ! Répondons-nous. Je pense alors à la traduction de branle-bas de combat en italien, ça donne : Panica generale ! C'est tout à fait de circonstance. Nous commençons à répéter, à chercher des gags, et nous préparons les séances d'un autre disque pour l'Olympia. Il s'agit d'une parodie des "Plays-boys" de Jacques Dutronc qui deviennent les "plaies-bois". Sur les trois autres titres, ceux destinés à la poubelle, nous enregistrons avec la fanfare des Beaux-Arts un truc bien terroir dont Rinaldi a le secret (9)...

...Pour la dernière chanson, Christian (Fechner) nous propose de faire venir la fanfare des Beaux-Arts sur scène. Nous avons des paniers d'osier avec deux poules vivantes dedans. Nous devons les jeter dans la salle au moment du final, en espérant qu'elles voleront au dessus du public... Le spectacle se déroule à merveille, et sur le dernier titre, la fanfare entre en scène. Ils sont habillés de tabliers bleus et de petits foulards rouges, en bérets et sabots. Sous un tonnerre d'applaudissements qui tourne rapidement à la standing ovation, la vache, radieuse, fait alors son entrée sur scène...(10)"

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Les Charlots et les Saints-Pères sur la scène de l'Olympia


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La Vache radieuse - Les Charlots et les Saints-Pères sur la scène de l'Olympia


La Fanfare Malaquais n'aura donc pas été la seule sur la scène de l'Olympia...

Le disque sort donc en 1967, chez VOGUE sous la référence EPL 8553, c’est un microsillon de 17cm, 45 tours et porte le titre de « La fanfare des Saints-Pères des Beaux-Arts ».
Ce disque n'a jamais été réédité.

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Macarons A et B du disque


Nous vous laissons ci-après l'opportunité de l'écouter sur ce lien.

Notes :


(1) Véronique FLANET, La Belle histoire des fanfares des Beaux-Arts, 1948-1968, Edition L'Harmattan (retour)

(2) Ne pas confondre avec la Saints-Pères Band, fanfare actuelle qui n'est pas issue des fanfares des Beaux-Arts mais de l'Ecole des Ponts et Chaussées située rue des Saints-Pères. (retour)

(3) Michel ROHNER est le fils du peintre Georges ROHNER. Jean-Pierre CECCALDI est le neveu de l'acteur Daniel CECCALDI. (retour)

(4) Christian FECHNER, avant d'être un grand producteur de cinéma, fit aussi de la direction artistique musicale. Il proposa à Vogue un certain nombre d'artiste comme il n'en existait pas en France, dans l'esprit de la jeune génération anglaise des années 60. Ainsi, il amena le chanteur Antoine accompagné d'un groupe appelé Les Problèmes qui devinrent ensuite les Charlots. Christian FECHNER contribua à faire évoluer le catalogue de Vogue, essentiellement tourné vers le jazz dans les années 50, catalogue qui compta notamment Françoise HARDY, Jacques DUTRONC... (retour)

(5) Exceptionnellement, il sera dérogé à l'ordre chronologique dans cette rubrique afin de mieux présenter cette fanfare. Le disque de Sullivan fera l'objet de la prochaine rubrique. (retour)

(6) On retiendra la version des Parisiennes (qui étaient plus habituées à des titres plus swing...) accompagnées de Claude BOLLING, un enregistrement datant lui aussi de 1967. La vidéo vaut le détour !
Visionnez la vidéo. (retour)

(7) Frank ALAMO offre une version sirupeuse de ce morceau et on évitera de commenter les paroles. Notons cependant que Frank ALAMO avait croisé la route des Saints-Pères en la personne de Louis-Marie FLAMAND faisant ensemble leur service militaire au Service Cinématographique des Armées au Fort d'Ivry en 1967, même année que ces enregistrements.
Visionnez la vidéo. (retour)

(8) Créé en 1965 sous le nom Les Problèmes, le groupe s'essaye avec Pascal DANEL avant d'accompagner le chanteur Antoine en studio sur l'album Antoine rencontre les Problèmes (Vogue). Il est alors composé de Gérard RINALDI (chant et saxo alto), Jean SARRUS (basse, issu des Rebelles puis des Tarés), Gérard FILIPELLI (guitare solo), Luis REGO (guitare rythmique) et Donald RIEUBON (batterie). Donald RIEUBON quitte le groupe pour faire son service militaire (très peu volontaire sur ce sujet, il y est allé encadré par deux gendarmes) .Il est alors remplacé par William OLIVIER puis par Jean-Guy FECHNER, le frère de Christian FECHNER. William OLIVIER continuera avec eux comme batteur lors de leurs prestations en tant que chanteurs, la basse étant tenue par Jacques DAUTRICHE alias « Sullivan », remplaçant de Luis REGO au sein des Problèmes, lors de l'incarcération de ce dernier au Portugal (Lui aussi avait oublié de se rendre à son appel sous les drapeaux..). (retour)

(9) J'ai évidemment cherché ce disque que j'ai fini par trouver mais, s'il correspond bien à la description de Jean SARRUS, la fanfare n'est pas sur l'enregistrement. D'ailleurs, les Saints-Pères interrogés n'en ont pas souvenir. Pourtant la pochette pourrait laisser penser qu'une fanfare y était présente...
Visionnez la vidéo. (retour)

(10) Flamand précise : "Jean SARRUS commet quelques erreurs concernant notre tenue. Nous ne portions pas de tabliers bleus mais des "blouses" de paysans auvergnats, avec des foulards rouges et des sabots, mais nous n'avions pas de béret...Les animaux ne sont pas venus longtemps, car la SPA serait, parait-il, intervenue afin de ne pas maltraiter la vache et les poules..." (retour)

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Pochette : Les parisiennes - 1967

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Pochette : A travers les carreaux - Frank ALAMO

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Pochette : Les Charlots