"Chansons Paillardes sur fond de Cuivre", 1965, Octave CALLOT et sa fanfare des Beaux-Arts

VEGA V 30 M 978 – Microsillon 30cm, 33T

Publication Auteur
Janvier
2017
Pierre-Edouard CALONI
dit " Calo "

Ce deuxième opus des chansons paillardes par la fanfare Octave CALLOT est, à l'instar du précédent, un must ayant marqué les ateliers et les fanfares de l'Ecole. On retrouve comme dans le précédent des chanteurs truculents servis par une fanfare au plus haut de sa gloire s'appuyant sur les arrangements efficaces de Callot.

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Recto de la pochette.


La pochette reprend les grands principes des pochettes des disques Callot. Une photo prise à l'atelier avec une scène en premier plan et un alignement de fanfaristes à l'arrière. Elle affirme l'instauration, en lieu et place du maillot de bains 1900, de l'uniforme sudiste comme costume officiel de la fanfare, costume qui restera d'actualités jusqu'à la fin de l'association Callot-Malaquais en 1968.

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Verso de la pochette.


Le verso, d'une grande simplicité, ressemble fort à celui du disque précédent. La présentation pompeuse des chanteurs est dans le même esprit.

Coté musique, on est sur le même registre que le disque précédent. Callot décline de nouvelles chansons paillardes enchainant les paroles bien pesées, les chœurs, les fonds musicaux très arrangés, les gags sonores. On notera la présence efficace tout au long du disque du flûtiste professionnel engagé par Véga qui offre une assise harmonique de très haut niveau.
Si d'aucun reconnait que ces deux opus forment un tout, d'autres vont attribuer à ce disque le statut du meilleur disque de la Fanfare Octave Callot. Serait-ce la présence supposée de certains membres de la Fanfare Léon MALAQUAIS comme en atteste le trombinoscope sur la pochette ?

Là est sans doute la question.

Lorsque j'ai repris cette discographie, ayant décidé de mener des recherches plus approfondies, à la quête de ceux qui avaient mis en œuvre ces documents phoniques inoubliables, je ne m'attendais pas à tomber sur une polémique comme celle qui illustra cet opus : Mais qui donc avait joué sur ce disque et quand avait-il été enregistré ?
Rappelons le contexte, nous sommes à priori, d'après certains, fin 1964 et la Fanfare Léon MALAQUAIS, moribonde, va voir certains de ses membres intégrer la Fanfare Octave Callot. Cette dernière gardera son nom bien que, au bout d'un certain temps, la grosse caisse de la fanfare portera les noms des deux fanfares.
A regarder la pochette, tout est simple, on reconnait bien les fanfaristes présents et la question ne se pose pas mais en interrogeant certains membres de la Fanfare Callot d'origine, j'entends dire que le disque a été enregistré en 1963 et début 1964, donc avant la fusion des deux fanfares et que la pochette a été conçu après, d'où la présence de certains Malaquais.
En interrogeant d'autres Malaquais, ceux-ci me confirment leur présence à l'enregistrement. Alors que croire ?
En lisant l'ouvrage de Véronique FLANET(1), tout me paraissait pourtant clair :

« À l’automne 1964, chez les Malaquais, il ne faut plus se voiler la face, les rêves de grandeur sont bel et bien éteints, dit Lharidelle : « Chez Arretche, en comptant large on ne disposait plus guère que de dix bougres… À la maison mère, chez Beaudouin, ne restaient plus que Lharidelle, Basso, Sicardon, et le Gros Day, plus fiable pour les public relations que musicalement. Plus Mac Hulot et Léon que l’on pourrait peut-être solliciter de temps à autre. En gros, cinq bonshommes. Chez les Leconte, plus rien… La puissance de feu qui avait fait la force des Malaquais semblait être devenue un vulgaire pétounnet… Ce que voyant, le vieux Léon donna l’exemple et ressortit de sa retraite pour reprendre le collier ».

De la visite de deux Callot à La Cadière en l’été 1964 et de leur rencontre avec quelques Malaquais (qui « manifestement ne faisaient plus rien ; ils n’avaient plus de fanfare », se souvient Lemétais), émergea l’idée de répéter ensemble.
À la rentrée, l’idée fait son chemin -une révolution si l’on peut dire- et une nouvelle fanfare se recompose autour des Callot.
Chaque groupe apporte ses forces propres(2) : d’un côté le moelleux des basses, de l’autre la puissance cuivrée des trompettes. De vieux Malaquais ont rejoint cette nouvelle formation, qui fait sa première sortie en décembre 1964 ou au printemps 1965.
D’après Octave CALLOT, la nouvelle fanfare fait durant la morne saison de « bonnes petites sorties parisiennes » à un rythme assez soutenu. L’été, ils vont à La Cadière et trouvent quelques contrats sur la Côte, au printemps ils font deux belles sorties : l’une pour les traditionnelles fêtes de Mi-Carême au Luxembourg, l’autre début juillet à Noé, en compagnie de leur ami Jacques Estérel. Noé est un village de Haute-Garonne dont le maire Jean-Baptiste Doumeng, le “milliardaire rouge”, reçoit les Callot comme des papes pour la fête de la Belle Gaillarde.

Alain Lemétais et Léon MALAQUAIS s’accordent pour dire que ce fut une belle formation, équilibrée, qui marcha du “feu de Dieu”.
Ces deux fanfares aux jeux et sons si différents trouvèrent donc un terrain musical où s’entendre.
Les Malaquais qui ne s’étaient jamais trop préoccupés d’arrangements et de partitions jouèrent le jeu et Callot n’allait pas baisser les bras. Au contraire, il proposa de nouveaux morceaux. La nouvelle formation piocha évidemment dans le répertoire des Callot (le célèbre Galop de Jules et Jim de Georges Delerue, Lili Marlène), sans parler de morceaux venus d’Amérique arrangés par Callot et illustrés à merveille par leur tenue Guerre de Sécession, et des arrangements d’Honoré Champion (Les mains de femmes, La Giralda…).
Ainsi, la fameuse concurrence musicale à laquelle se livrent les Malaquais et les Callot se serait estompée durant cette période. « Pour preuve, les Malaquais se sont fondus dans les Callot », dit Alain LEMETAIS ; et de jolies pointures des Malaquais (Blaire, Milo, Rippe, Day, Léon, Lharidelle, Wlad et Ahmédée qui faisait le guignol) sont là et vont participer à l’enregistrement du volume II des Chansons paillardes des Callot en 1965. »(3)

Il semble que Véronique ait gardé là les propos de Blaire et non ceux de Lemétais, du moins est-ce ce que ce dernier m'écrit. Dans son livre(4), très romancé de l'aveu même des membres de sa propre fanfare, la Fanfare Malaquais, Lharidelle est enthousiaste :
« ... Les répètes redeviennent ce qu'elles n'auraient jamais dû cesser d'être, de vraies petites fêtes hebdomadaires, que l'on attend avec impatience, et où se forgent les triomphes de demain. Ainsi, le succès appelant le succès, le tome II des chansons paillardes, dont le premier était sorti chez Véga, par Callot interposés, du temps de leur célibat, leur est maintenant proposé. Youpi ! ...

A cette occasion mémorable, un toubib, que sans trop se casser on finit par surnommer le Bib rejoignit le groupe, un cornet dans la main droite, une pile d'arrangements du répertoire carabin dans la gauche et traînant à sa suite une pharmacienne délurée à la voix de petite fille sage, qui sans vraiment tromper son monde, fit merveille dans plusieurs titres, dont La Rue de la Lune. Il sut vite faire son trou, dans le groupe, tant comme choriste que cornettiste confirmé.
Ce François Doladille devint pour longtemps, un pilier des "malacallos"(5), puis, au-delà de 72, de la Fanfare des Beaux-Arts et Autres Lieux(6), toujours sous la houlette de Callot. Comme un bonheur ne vient jamais seul, J-J Fernier, que l'on avait guère revu depuis l'Olympia(7), alléché par la perspective d'une prestation vocale à la hauteur de son talent, revint pour un temps, malgré ses obligations professionnelles, sur une orbite fanfaristique. Tout le monde n'eut qu'à s'en réjouir.

Pour preuve, ces bouleversantes Stances à Sophie, avec cette entrée en matière d'une poésie et d'une concision dignes du grand Brassens lui-même :
"Tu m'demandes tes lettres, ta photographie,
Ton éponge à cul, ton bidet d'métal,
Vois-tu je m'en fous, ingrate Sophie,
Je t'envoie le tout, par colis postal..."

Pour la couverture, le bon Octave se fendit d'une de ses photos bien troussées, dont il avait le secret, mettant en scène chacun des protagonistes en une série de personnages pittoresques, à qui le ténor vedette, en ecclésiastique véreux, faisait les honneurs d'un lupanar pas piqué des siens.
L'enregistrement se fit en deux séances rondement menées, avec le soutien efficace de deux musiciens de studio, dont un flûtiste du nom de Lou Game, qui sidéra les fanfaristes tant par son talent et son flegme, que par sa gentillesse. Assis peinard, en pantoufles, dans un coin du studio, à lire son journal, il laissait passer les immanquables faux départs sans la moindre émotion, puis dès que c'était parti pour de bon, saisissant son flutiau, il se lançait dans une série d'ahurissantes arabesques, dont il était bien le seul à prévoir où, et comment, elles allaient finir par atterrir. Les fanfaristes, parfois, en oubliaient de jouer...
Il y en eut deux, pourtant, qui surent garder les pieds sur terre et on peut dire qu'ils ne ratèrent pas le coup qu'ils mijotèrent, dans le secret du pupitre des trompettes : Honoré et Lharidelle.
Sans prévenir personne, ces deux sournois ne complotèrent-ils pas de rajouter à La Rue de la Lune, justement, un final mexicain du plus bel effet ? Sûr, ces deux pourris, qu'aussitôt lancée la célébrissime montée "ta-ta-ta tagadagada", tout le monde se retrouverait sur le "tsoin tsoin" final. (Et sachez... que ça n'loupa pas...) »

Sur cette dernière affirmation, Lharidelle se trompe assurément car de montée mexicaine à la fin de La Rue de la Lune, il n'y en a pas. En revanche, on la trouve dans Jean-Gilles. Par ailleurs, il décrit la présence de Lou Game avec une certaine pertinence. Dans mes conversations avec Blaire (Honoré), ce dernier ne parle pas de cette intervention sur La Rue de la Lune mais d'un duo de trompettes qu'il aurait écrit et exécuté avec Lharidelle sur Les Trois Orfèvres. Il m'a d'ailleurs adressé un fichier mp3, enregistrement de cet arrangement joué par lui au piano. Mais cet enregistrement est postérieur au disque. On ne peut donc en tirer aucune conclusion. A l'écoute de ce morceau, on perçoit nettement ce contre chants de trompettes de belle facture mais il est très difficile d'en attribuer la paternité. Il semble que Blaire ne garde d'ailleurs pas un souvenir mémorable de ce passage chez Callot. Il n'en consacre d'ailleurs qu'une dizaine de lignes dans son livre(8) :
« ...Le passage dans cette fanfare se résume pour moi à quelques sorties mémorables dont certaines restent de très bons souvenirs...Mais en aucun cas, je ne comparerai ce que j'ai vécu chez Callot avec ce que j'ai vécu chez Malaquais. Et pourtant, musicalement, nous fîmes des merveilles comme le Quadrille des Lanciers au bal "1865" et d'autres comme l'enregistrement du volume II des "Chansons Paillardes Sur Fond de Cuivre" qui reste le meilleur disque de la Fanfare Callot ; disque qui doit beaucoup aux anciens Malaquais présents ce jour là, qui représentaient la moitié de l'effectif ! Sans parler de la prestation vocale de Fernier, absolument exceptionnelle(7). L'ambiance chez Callot se détériora ensuite... »

Il est difficile de commenter ce passage, tant le ressenti semble fort. Peut-on attribuer le mérite de la qualité de ce disque à la seule présence des Malaquais, Callot a fait ses preuves auparavant.

Néanmoins, Blaire, rédacteur en chef de l'Amour du Bruit, bulletin de liaison bi-annuel de l'Association Fanfare Léon Malaquais, écrit dans le n°15 datant de décembre 2015, une petite note à ce sujet, reproduite ici dans son intégralité :
« ... Mise au point discographique
Dans un des derniers articles discographiques publiés sous la plume talentueuse et remarquablement documentée de notre ami Caloni (site de la Grande Masse, à propos du 33T « Chansons Paillardes sur fond de cuivre N° 2 »)(9), suite à certains témoignages fantaisistes, un doute semble subsister dans l’esprit de certains sur la présence ou non des Malaquais à cet enregistrement réalisé sous le nom de la fanfare Callot. Je m’empresse de répondre sur ce point et de rétablir une vérité que certains, à la mémoire trop courte, ou... peut-être affaiblie, ont sciemment ou inconsciemment déformée, à notre grande consternation. Rappelons tout de même que ce disque, enregistré en 1966, le fut par la fanfare Callot qui avait intégré une dizaine d’anciens Malaquais depuis octobre 1964. Etaient donc présents ce jour-là, de la fanfare Callot : Lemetais, Schultz, Doladille, Callot, Jeff Mariette, Crespel, Leprince, Penchet, Espinasse, Roussel, Humbaire. De la fanfare Malaquais : Lharidelle, Deneux, Mousseau, Blaire, Ahmedée, Léon, Lestang, Dunin, Fernier, Day. Plus deux musiciens professionnels présents pour la circonstance : un flûtiste et un pianiste, ainsi qu’une chanteuse, copine de Doladille. Vouloir oublier la présence des Malaquais constitue une regrettable erreur que nous n’hésitons pas à qualifier de GROTESQUE, selon le terme utilisé par Lharidelle récemment à propos de ce navrant malentendu.

Deux preuves de notre présence : le final « mexicain » à la fin de Jean-Gilles est dû à Lharidelle et à moi-même aux trompettes ; il n’était pas prévu au programme. Ce fut notre petite surprise pour le chef ! Callot avait d’ailleurs trouvé ce final si intéressant qu’il l’a abondamment utilisé par la suite à tout propos.
Une autre preuve : sur les Trois Orfèvres, j’avais écrit un arrangement d’esprit baroqueux en 1961. Je l’ai ressorti ce jour-là nous l’avons exécuté à deux trompettes en background avec Lharidelle. On nous y entend parfaitement bien. J’ai même encore la partition à la disposition des incrédules de service ! La tonalité de Sib ne convenant pas aux chanteurs (mauvais choix de tessiture), et ces deux fainéants de trompettistes (cf. ci-avant) n’ayant pas eu le temps de retravailler leur partition en Mib ou en Fa, ce fut enregistré en Sib et les chanteurs ont dû s’époumoner pour respecter cette tonalité ! Le chant en a donc souffert et n’est pas à la hauteur de celui des autres pistes où Fernier et Doladille s’en donnèrent à cœur joie !

Il a aussi été dit que nous n’avions été là « que pour la photo ». C’est confondre un peu hâtivement avec le 45T « Les Grandes Manœuvres » où nous figurons certes sur la pochette de cette réédition. Mais nous n’avons jamais prétendu avoir enregistré le moindre morceau de ce disque purement Callot enregistré avant 1964.
La photo de la pochette Chansons Paillardes comprend pas mal de monde. Quelques musiciens, présents à l’enregistrement, n’ont pu y figurer, comme Callot, auteur de cette excellente photo, Lharidelle ou moi-même, absents ce jour-là.
Il fallait que ce soit dit ! Ah mais ! Honoré »

Après avoir lu cet article, Lemétais répond :
« Voici donc l'Histoire réécrite, en 2015, par L.R.Blaire qui nous "Honore" d'une longue tirade pour nous démontrer qu'un disque sorti dans les bacs en 1965 avec sur sa pochette une photo de septembre 1964, sachant que la pochette est la dernière étape du processus de la réalisation , ce disque aurait été ENREGISTRÉ en 1966 ! Le "choix dans cette date " me parait bien hardi ! Comme d'ailleurs l'ensemble des propos limitant (quelle discrétion !) la trace des 8 exécutants supplémentaires au seul final "à la Mexicaine" de l'une des 12 chansons du disque..et, bizarre, aucune participation aux chœurs, aux chansons... (j'ai isolé de la liste de 10 dressée par L.R.B., Fernier déjà des nôtres pour le premier disque et Deneux, présent sur la photo, mais qui a reconnu par écrit ne pas se souvenir d'avoir participé à cet enregistrement !) Je crois qu'il vaut mieux en rester là. » Alain, Mittag, Paulo Lemétais.

On reconnait sur la photo de la pochette :

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Photographie de la pochette annotée avec les noms des protagonistes.

Notons que seuls Rippe, Deneux, Malaquais et Ahmédée représentent l'ancienne Fanfare Malaquais
(*) Beudin ne jouait pas et était figurant de l'Atelier Madelain
Notons sur la table une bouteille de vin blanc à propos de laquelle Lharidelle écrit (4): "..."en fait remplie par les soins d'Ahmédée, si vous voyez ce que je veux dire". Fernier, piégé, en boira quelques gouttes, le pauvre."


Le son de cloche de Lemétais est en effet tout autre. Dans ses souvenirs(10), Otto Mittag(11) évoque la période 1962-64 avec quelques dates fortes et vérifiables pour lui : celles de son service militaire. Il a été incorporé en novembre 62 et son régiment (13è RGT du Génie) reçoit l'ordre en octobre 63 de le mettre à la disposition de l'État-major à Paris pour 2 semaines, permission exceptionnelle justifiée par une manifestation récréative à la caserne Mortier.

En fait :

« ... Callot, également conscrit, a lui, pris ses quartiers en tant que chauffeur à l'Elysée et pilote, entre autres célébrités, le Colonel Desgrées du Lou, organisateur du gala précité, auquel il a proposé la présence de la Fanfare au grand complet, y inclus son premier trompette retenu dans l'Est par la Grande Muette. Qu'à cela ne tienne, le général va arranger cela avec ses collègues pour une mise à disposition exceptionnelle du trompettiste, agrémentée d'une permission confortable pour repos mérité après le stress du spectacle. Callot en est bien satisfait, car après le succès du premier disque de chansons, En Chatouillant les Arts, notre ami Paul Caron, des Disques Véga, veut absolument enregistrer un second titre. Ceci sera programmé le second week-end, après la fête militaire, avec une semaine de répétitions intercalées.

Je débarque donc Gare de l'Est, un mardi, après quelques jours de stupeur des autorités locales suite à ma convocation. Le mercredi, Callot me présente en uniforme, caserne Dupleix, au Colonel qui m'accueille très chaleureusement, nous détaille son programme, nous partagerons l'affiche avec Les Chaussettes Noires...
... Le vendredi, c'est le Gala, concert en plusieurs séries d'une demi-heure en alternance avec Eddy Mitchell et ses Chaussettes avant le vin d'honneur, où je retrouve Aldo(12), le guitariste vedette également trouffion dans l'ouest teuton et croisé sur l'estrade dans les soirées dansantes de l'Armée Française.
Je retrouve également tous les copains : Schultz, Jef, Ronchon, Leprince, Penchet, Crespel, Léon(13), Roussel, Cordier, qui ont réussi à maintenir la qualité du groupe décimé par la conscription. Doladille, Le Bib, est là aussi, trompettiste rencontré aux Hospices de Nanterre, il organisait des tonus où il avait la bonne habitude de nous convier depuis 1960, venant nous voir de temps en temps aux répétitions rue Jacques Callot, il a dû intégrer la fanfare après l'absence de Callot et moi et la solitude de Schultz au pupitre des trompettes.
Je fais également connaissance d'Aprile, fraichement rentré à l'Atelier Madelain, joueur de saxo-alto mais judicieusement (?) orienté vers la basse. Il commence à faire de la figuration intelligente et rendre de menus services dans le portage du matériel et la recherche de rafraichissements.
Le vin d'honneur se termine par un final sur "En Revenant de la Revue", les remerciements des officiers organisateurs et me voila avec dix jours devant moi pour répéter - je n'ai pas de problèmes avec mon instrument, pratiqué sans relâche depuis mon incorporation - pour réfléchir au découpage du disque, à programmer les derniers titres et nous sommes fin prêts pour le samedi et le dimanche suivants dans un studio situé près du Rond-Point des Champs Elysées, vers la rue de Ponthieu, où tout se passe sans problème.
Paul Caron est ravi, il nous recontactera pour la photo et la pochette quand il aura réalisé la maquette du disque et décidé de sa sortie prévue en 1964... »

Dans le courrier que m'adresse Lemétais, ce dernier indique ses divers arguments étayant la date d'octobre 1963 comme date d'enregistrement, date mise en doute par Blaire. A la suite du récit précédent, Lemétais indique :
« Quant à moi, je repars vers Trèves le mardi suivant. Fait intéressant pour situer de plus près la date de l'enregistrement, je suis l'objet d'un P.V. par la Police Militaire à la Gare de l'Est, pour être encore en tenue d'été (chemise), règlementaire en Allemagne lors de mon départ, et non en tenue d'hiver (vareuse) déjà obligatoire en France. Les spécialistes pourront situer précisément la date de ce changement de tenue s'ils ont des soucis de calendrier... »

Lemétais revient sur l'arrivée des Malaquais chez Callot. Tout le monde est d'accord (pour une fois !), c'est à l'automne 64. Il a été libéré de ses obligations fin avril 64, reprend ses activités fanfaristiques et décide avec Crespel et Ronchon de descendre à la fin de l'été à La Cadière voir la fameuse maison des Malaquais. De discussions en discussions, au cours de soirées conviviales, il apparait que les Callot ont perdu quelques éléments et que les Malaquais sont, eux, en pleine scission.
L'idée d'intégrer chez Callot quelques Malaquais prend forme et rendez-vous est pris pour la prochaine répétition des Callot à la mi-septembre :
« ...Vers le 15 septembre, un mardi, jour dédié, Golvin, Deneux ont amené avec eux Rippe pour une première répétition. Ils reviennent la semaine suivante avec Léon Malaquais convié par Callot qui travaille avec lui pour une charrette en agence. C'est à l'occasion de cette répète, ou de la suivante, que la photo du disque est faite : décors assez minimalistes dressés à l'atelier, présences féminines, de Fernier, le ténor vedette, des fanfaristes avec les quatre Malaquais affublés de casquettes en renfort... »

Lemétais raconte ensuite qu'à la fin de ce mois d'octobre eut lieu le premier contrat de la fanfare Callot associé à Malaquais. La grosse caisse a été repeinte aux patronymes associés :

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Contrat Lufthansa, rue Royale, 23 octobre 1964
On reconnait, dans le désordre : Ronchon, Schulz, Aprile, Humbaire, Jeff, Le Bib, Crespel, Deneux, Rippe,
Day, Lopata et Lestang (enrôlé au Balto). Callot et Golvin doivent être au bar ou près des hôtesses...

Lemétais insiste sur cette photo, signe d'un nouveau départ, d'une fanfare réunie, avec une grosse caisse aux deux noms. Ce départ sera suivi d'une série de contrats, de la reconnaissance de l'appartenance des représentants de la Fanfare Callot dans l'association de la Fanfare Malaquais (AG du 28 avril 65). L'association des fanfares va perdurer jusqu'aux J.O. d'hiver de Grenoble en 68 et aux 20ans de la Fanfare Callot en mars 68.

« Dans ce contexte, dans cette période de fusion souhaitée, je persiste à le penser, par la (presque ?) totalité des participants, comment imaginer l'enregistrement d'un disque sans la mention de l'association des deux fanfares, ne serait-ce, pour des raisons contractuelles, que seulement au dos de la pochette ? »

Cet argument de Lemétais parait de bon sens. De plus, dans un mail adressé à Blaire, à sa demande, Deneux, trompettiste des Malaquais affirme n'avoir pas participé à l'enregistrement de ce disque et ne se rappelle que de la séance de photo pour la pochette.

Voila. Comment écrire l'histoire ? Personnellement, je ne veux ni ne peux prendre parti, ne voulant être que le témoin de ce qui m'est raconté. Je laisse chacun juge, d'autant que si cela a de l'importance pour les protagonistes de ce débat, cela en a-t-il vraiment pour les auditeurs de ce disque ?


Revenons donc à l'essentiel ! Le disque, sur lequel on peut entendre les morceaux suivants :

FACE A FACE B
  1. Le bateau de vits
  2. Les stances à Sophie
  3. Les trois orfèvres
  4. Charlotte
  5. Le c… et la bouteille
  6. La femme aux morpions
  1. La romance du 14 juillet
  2. La Marie Suzon
  3. Rue de la Lune
  4. Les cent louis d’or
  5. Jean Gilles
  6. Le bandeur

D'après Alain LEMETAIS, les fanfaristes présents sur ce disque étaient :


Trompette : Alain LEMETAIS (Mittag), Bernard CHOLLET (Schultz), François DOLLADILLE (Le Bib), Jan BASSENGE,
Piccolo : Lou GAMME (invité),
Jazzo-flute : Samy LOPOTA,

Trombone : Jean-François MARIETTE (Jeff),
Alto : Yves POINSOT (Octave CALLOT),
Basses : Robert PENCHET (Poché), André CRESPEL (Mémé),
Hélicon : Jean-Pierre LEPRINCE (Ringuet), J.C. APRILE (Mes Bottes),

Piano : Piano : Prudence TREILLE,

Banjo : Daniel ESPINASSE (Ronchon),
Batterie : Raymond ROUSSEL (Le Tout P'tit),
Triangle : Jean-Pierre HUMBAIRE (Léon),

Glockenspiel : J.C. LESTANG, Piano : musicien professionnel, Chant : Mariette LEROY-CHEVALLIER, Jean-Jacques FERNIER, Le Bib, Otto MITTAG, Schultz, Humbaire, Crespel, Callot, Beudin.


D'après Louis-René BLAIRE, il faudrait rajouter à cette liste les fanfaristes suivants :


Trompette :Alain VILLEMINOT (Adrien LHARIDELLE), Jacques DENEUX (Milo), Louis-René BLAIRE (Honoré Champion),

Trombone : Michel RIPPE (Le Ptit Max),
Basses : Michel VINCENT (Léon MALAQUAIS), Jacques GOLVIN (Ahmédée),

Grosse caisse : Michel DAY (Legro),
Orgue à poires : André DUNIN (Wlad).

Comme pour le disque précédent, les amateurs éclairés de fanfare ne pourront écouter ces disques aux mélodies romantiques et aux paroles si poétiques sans s'interroger sur les responsables. Qui donc se cache derrière telle ou telle voix ? Vous le saurez donc grâce à cette note discographique, établie par Lemétais, reprenant les personnes chantant chronologiquement dans chacune de ces chansons :

  • 01 - Le Bateau de Vîts : Le Bib (Branca), Fernier
  • 02 - Stances à Sophie : Fernier, Humbaire
  • 03 - Les Trois Orfèvres : Fernier + Humbaire, Callot, Schultz, Le Bib + ?
  • 04 - Charlotte : Fernier + Cordier + chœur, Mariette + Leroy-Chevallier + chœur, Otto MITTAG + chœur, Le Bib + Cordier + chœur, Crespel + Cordier + chœur, Callot + Cordier + chœur,
  • 05 - Le c... et la bouteille : Le Bib
  • 06 - La femme aux morpions : Fernier + chœur,
  • 07 - Le 14 Juillet : Otto Mittag + chœur, Fernier + chœur, Otto Mittag + chœur,
  • 08 - Marie Suzon : Fernier + chœur + piccolo
  • 09 - Rue de la Lune : Mariette Leroy-Chevallier + chœur + piccolo,
  • 10 - 100 Louis d'Or : Fernier + Cordier + piccolo,
  • 11 - Jean Gilles : Crespel + Humbaire + piccolo,
  • 12 - Le Bandeur : Le Bib

Le disque sort donc en 1965 sous le label VEGA, référence V 30 M 978, c’est un microsillon de 30 cm, 33 tours et porte le titre de « CHANSONS PAILLARDES SUR FOND DE CUIVRE ».

On ne peut trouver ce disque en mp3, la BNF ne l'a pas repris dans son catalogue...
Je vous laisserai donc l'opportunité de vous rendre sur ma Dropbox.


Notes


(1) "La Belle Histoire des Fanfares des Beaux-Arts", Véronique FLANET. Editions L'Harmattan (retour)

(2) Véronique FLANET indique que la formation issue des Callot est la suivante :

  • 2 trompettes (Lemétais – également au bugle – et Schulz),
  • 1 cornet (Doladille dit le Bib),
  • 1 trombone (Jeff Mariette),
  • 1 alto (Octave Callot),
  • 3 barytons (Aprile, Crespel, Penchet),
  • 2 basses (Boisset et Pacaud),
  • 1 contrebasse (Espinasse),
  • 1 souba (Leprince dit Ringuet),
  • 1 caisse claire (Roussel dit le Tout p’tit).
  • 1 triangle (Humbaire),

Et côté Malaquais :

  • 4 trompettes (Lharidelle, Blaire, Deneux – également au bugle – et Mousseau dit Moumousse),
  • 1 trombone (Michel RIPPE dit P’tit Max),
  • 2 barytons (Golvin dit Ahmédée et Léon MALAQUAIS),
  • 1 ténor lyrique (J.J. FERNIER),
  • 1 grosse caisse et un orgue à poires (Wlad),
  • 1 colt 45 (Lestang dit Chaklott),
  • et Michel Day, impresario et personnage haut en couleurs.

(retour)

(3) La première sortie de cette formation eut lieu en décembre 1964, un contrat avec la Lufthansa rue Royale. Mais pour Alain LEMETAIS, la sortie « fondatrice de l’unité » eut lieu au printemps 1965, à Saint Idesbald en Belgique.
D'après le bordereau de paiement de la Lufthansa, ce contrat Lufthansa eu lieu le 23 octobre 64. (retour)

(4) Histoire Edifiante et Véridique de la Grande Fanfare Malaquais, Adrien LHARIDELLE & Co - Editions Lulu.com. (retour)

(5) Malacallos : Contraction de Malaquais et Callot. Ce nom, inventé par Lharidelle, n'a semble-t-il jamais été utilisé à l'époque. (retour)

(6) Nom que prit la Fanfare Callot en 72 après avoir intégré des fanfaristes issus d'autres écoles que celles des Beaux-Arts et des UP d'architecture7 (retour)

(7) Fernier était pourtant présent sur le précédent disque des paillardes... (retour)

(8) Souvenirs Cuivrés par Louis-René BLAIRE, Editions Lulu.com (retour)

(9) Il ne s'agissait pas de la rubrique du Disque du Mois sur ce disque (elle n'était évidemment pas écrite à ce moment-là, puisque la voici...), mais de la première esquisse de ce chapitre de la Discographie complète encore au stade de l'étude. (retour)

(10) Souvenirs d'Otto MITTAG 1962-1964 par Alain LEMETAIS (extrait qui m'a été adressé). (retour)

(11) Otto MITTAG, étonnant surnom d'Alain LEMETAIS, vient de l'auteur d'un ouvrage sur les éléments de la construction en usage à l'Ecole, ouvrage équivalent à celui de Neuffert. Ce Mittag, proche de Metais accompagné d'un prénom à consonance germanique lui a été donné comme surnom au moment de son départ au service militaire en Allemagne. Après la quille, Lemétais portera le surnom de Paulo des Batignolles... autre genre ! (retour)

(12) Non, pas le trombone des Boula Matari mais... le bassiste des Chaussettes Noires. (retour)

(13) Humbaire et non Malaquais. (retour)