Fanfare OTELLO « La fanfare des Beaux-Arts chante le Pompier et la Marcolite »
Production Privée ERG.1 001 - Microsillon 17cm, 45T - 1966

Publication Auteur
Février 2019
Pierre-Edouard CALONI
dit " Calo "

Pour la deuxième fois de son histoire discographique, la Fanfare des Beaux-Arts est le support d'un message publicitaire, encore lié à des matériaux du bâtiment. On avait pu voir en 1961, un disque reprenant un fond musical enregistré par les Madelain dans les disque "Aux Assassins". Ici, la démarche est différente : le disque est enregistré directement avec la fanfare pour délivrer le message publicitaire. Le commanditaire, la Société Marcolite, fabriquait des plaques de polyester translucides destinés à créer des éclairages naturels dans les couvertures en tôle ondulée ou en fibro-ciment. On notera qu'aucun nom spécifique de fanfare n'apparait dans le titre et que seule La Fanfare des Beaux-Arts est désignée. En fait, c'est la fanfare de l'Atelier Zavaroni, Otello, qui avait été contactée pour ce contrat hors normes. Michel LÉCREVISSE nous dit : "Et on a été payé pour ça !"


1966_Fanfare-OTELLO_La-Marcolite_Pochette-Recto.jpg

Recto de la pochette.


Et parlant de la pochette :

" La pochette en couleurs est plus qu'explicite, sauf un.

En haut, à gauche, Michel DASSIÉ, grosse caisse et sous son coude gauche, l'Inconnu de Marcolite. En suivant à droite, Pierre TORTAT, frère jumeau du Kyste, qui fait semblant de jouer du trombone à pistons. Ensuite Daniel VIAL au cornet, puis Rémi MASSON, au cor, ce qui m'étonne beaucoup, puis le Kyste, Philippe TORTAT, sans instrument, mais qui a sévi sévèrement au trombone à coulisse. Vient Michel LÉCREVISSE avec son trombone à palettes(1). Au dessus à droite, Pascal DUHAMEL à sa trompette en biais ; les épingles à linge ne rajoutent en rien à l'acoustique.

Rang suivant et non pas du dessous : Robert PHILIPPOT à la contrebasse. Il a fini par acheter un souba Conn et vivre à Moorea. Philippe BENSIMON (Ben) muni paradoxalement d'un trombone à coulissa dont il n'a jamais joué et de sa vertu. Il était sax ténor et Otello s'enorgueillissait d'être avec lui la seule fanfare à en tolérer un. Sylvain GOLDFARB à la caisse claire qu'on devine derrière un panneau de Marcolite et un bout de sa baguette.

Enfin, la fondation de l’image : Attilio RUBINI (mordant une plaque de Marcolite), basse, Jean-Louis LEBIGRE, contrebasse et Michel PAQUOT, basse...

Plus j'y pense, grâce à toi, cette pochette est composée et truquée, NON ? "

1966_Fanfare-OTELLO_La-Marcolite_Pochette-Verso.jpg

Verso de la pochette.


Le verso de la pochette est consacré à la publicité de Marcolite. Après un racolage auprès des maîtres d'œuvre, jouant sur la corde sensible du souvenir des études à l'évocation du Pompier, un appel à sensibiliser la jeune génération d'architecte pour que dans leur élan créateur elle n'en oublie pas d'utiliser Marcolite ! On oserait plus écrire des choses pareilles aujourd'hui... quoique !

Vient ensuite une évocation de la société, de son histoire, de ses produits. Marcolite n'existe plus aujourd'hui mais d'autres du même type sont bien sûr toujours utilisés.

PUB_Marcolite-1.jpg

PUB_Marcolite-2.jpg

Deux publicités de Marcolite


Coté musique, ce disque est intéressant. Si, comme le dit Lécrevisse, on y trouve "...les basses contingences publicitaires avec Marguerite devenue Marcolite, l'accroche des prescripteurs et la révérence aux Anciens avec le Pompier." En revanche, "...on décèle une musicalité plus affirmée avec El Gato Montes, mais surtout pour la première fois en fanfare 8 1/2..."

Revenons donc sur ces 4 morceaux. La première face est réservée à la publicité avec l'étonnante utilisation du pompier que l'on pourrait assimiler à du vulgaire racolage auprès des architectes attachés à leur hymne, la seconde face ayant été laissée libre à la fanfare.
Le Pompier y est d'abord joué instrumentalement, de manière assez classique dans son démarrage puis de manière assez fine dans le chant. Le macaron indique que l'harmonisation est due à Pierre Berri dont on se souvient qu'elle est la partition utilisée pour le 78 tours de 1931(2). On notera d'ailleurs d'étonnantes pompes de basses ainsi qu'un très beau contre-chant et on se laisse aller à l'écouter quand soudain on bascule dans la réclame dans ce qu'elle a de plus absurde ! Tel un décor sonore digne des alpages suisses, on entend appeler "Marcolite ! Marcolite! Marco-lite ! Marcô-lite !" et deux récitants viennent benoitement converser de celle que tous adulent et convoitent... :

- Tu connais Marcolite ?
- Evidemment !
- Ah Marcolite...
- Elle est si...
- Elle est tant...
- Lumineuse,
- Chatoyante,
- Si limpide,
- Si claire, si diffusante,
- Eclairante, c'est le mot !
- Si protectrice mais si légère,
- En tout bien, tout honneur !
- Si souple, si élégante,
- mais si gracieuse,
- Et robuste pourtant,
- Ah, quelle santé !
- Elle se moque de tout,
- Du chaud, du froid, de la grêle,
- De la neige !
Et nos deux compères d'appeler à nouveau, haut et fort "Marco-lite ! Marcô-lite !" Et, la voilà !
Elle : "Me voilà !"
Eux : "Nous ventions vos mérites et vos qualités."
Elle : "Et mes compétences"
Eux : "Mar-co-lite..."
Elle : "En polyester armé, je suis incassable, inaltérable, belle éternellement, je me scie, je me coupe en quatre, ou autant de fois qu'il vous plaira, je me perce aussi pour vous être agréable et surtout..."
Eux : "Surtout ???"
Elle : "Je suis bien assurée."
Je ne suis pas sûr que ce dialogue, digne de nos plus grands poètes classiques, ait eu un grand impact publicitaire...

Sur ce Pompier s'enchaine directement le deuxième thème, Marguerite, plutôt bien maitrisé par la fanfare dans un style évidemment franchouillard mais comment pourrait-il en être autrement avec ce morceau qui, on se doute, a été choisi pour permettre de chanter avec entrain : "...si tu veux faire mon bonheur, Marcolite, Marcolite, si tu veux faire mon bonheur, Marcolite, donnes-moi ton cœur !". Sans commentaires...

La deuxième face laisse libre cours à la fanfare et commence par El Gato Montes. Ce paso, enregistré par une fanfare d'Ecole pour la première fois, est devenu l'un de nos plus gros saucissons. Il est joué ici dans l'esprit de ce que les fanfares actuelles lui connaissent.

Enfin comme l'écrit Lécrevisse c'est la première fois qu'on entend 8 ½ de Nino ROTA. "...C'est Jean-Yves TERLAIN(3)(3) qui nous en a donné l'idée et Rémi MASSON qui s'y est collé pour les arrangements. Nino ROTA l'avait quand même composé et Fellini filmé !"

Rappelons que ce film était sorti en 1963 soit un peu plus d'un an avant ce disque. Ce morceau deviendra au cours des années 70 et 80 un des morceaux phares des fanfares de l'Ecole, morceau devenu saucisson puis petit à petit délaissé, sans doute parce qu'il n'est pas aussi simple qu'il en a l'air. Et pourtant, il était étiqueté comme morceau des Beaux-Arts. Je me rappelle, lors d'une féria dans les années 80, me laissant aller à écouter une banda plutôt audible, entendre entre deux morceaux, un trompettiste réclamer de jouer "le morceau des Beaux-Arts (sic)" et d'entamer 8 ½ ! Bon, certes, il y avait un peu trop de clarinettes et de saxophones ! La version de ce disque, reprise par les fanfares de l'Ecole, montre déjà que c'était un morceau de bravoure et présume de ce que les fanfares joueront après. J'invite chacun à le réécouter, se donner l'envie de le retravailler et le jouer(4)!

FACE 1 FACE 2
  • Le Pompier (Marcolite)
  • La Marcolite (air de « si tu veux Marguerite »)
  • El Gato Montes
  • 8 ½

D'après Lécrevisse, cette fanfare était composée :

Trompettes : Rémi MASSON, Pascal DUHAMEL,
Cornet : Daniel VIAL,

Trombone : Philippe TORTAT (Le kyste),
Trombone à palettes : Michel LÉCREVISSE,
Sax Ténor : Philippe BENSIMON (Ben),
Basses : Michel PAQUOT, Attilio RUBINI,
Contebasses : Robert PHILIPPOT, Jean-Louis LEBIGRE,

Caisse-claire : Sylvain Goldfarb,
Grosse Caisse : Michel DASSIER.

1966_Fanfare-OTELLO_La-Marcolite_Pochette-FaceA.png

1966_Fanfare-OTELLO_La-Marcolite_Pochette-FaceB.png

Macarons du disque

Le disque sort donc en 1966, en production privée sous la référence ERG.1001, c’est un microsillon de 17cm, 45 tours et porte le titre de « La fanfare des Beaux-Arts chante le Pompier et la Marcolite ».
Ce disque a été réalisé par la Société E.R.G.
Ce disque n'a jamais été réédité.

PUB_Jounaux-Suisse_1.jpg

PUB_Jounaux-Suisse_2.jpg

Des publicités Marcolite sur des journaux suisses...

Nous vous laissons ci-après l'opportunité de l'écouter sur ce lien.

Notes :


(1) Lécrevisse précise : "... trombone à palettes ramené de Tchécoslovaquie en 1966 et qu'il a pu, qui sait comment, oublier sur un trottoir et, OUF !, récupérer rue des Morillons (service des objets trouvés de la ville de Paris). Merci à la bonne âme..." (retour)

(2) Voir la rubrique sur le le 1er 78 tours : Enregistrement du Pompier - 1931 - Choeur de l'Atelier Pierre ANDRÉ (retour)

(3) Jean-Yves Terlain est plus connu pour ses exploits comme navigateur que comme architecte ou comme musicien. Voir la rubrique sur la Fanfare Otello "Les Arts à la Pêche". (retour)

(4) Il ne m'arrive pas souvent de prendre position, mais ce morceau est pour moi une référence au même titre qu'Orpheo Negro. Otello, nouvelle version, en fera un autre enregistrement, mais de cela, nous en parlerons plus tard. (retour)